L'ÉTANT FINI
« Qu'est-ce que l'Homme ? » est une question primordiale chez le théologien Karl Rahner.
Son anthropologie philosophique repose sur deux piliers principaux.
Le premier est la thèse que l'homme, en tant qu'être spirituel, ne connaît pas de limites. Tout ce qui apparaît lui est accessible.
Le second pilier est la thèse d'après laquelle l'homme n'est pas seulement rattaché au monde par sa corporéité, mais que son esprit est, lui aussi, de part en part solidaire du monde.
Pour Karl Rahner, tout acte de jugement, quel qu'en soit l'objet, vise implicitement l'être absolu dont il présuppose l'existence. Bref, le jugement montre clairement que l'esprit humain a prise sur l'absolu.
Pour lui, ce n'est pas en partant de l'étant fini que l'esprit humain peut découvrir l'être absolu. Ce n'est au contraire qu'à la lumière d'une connaissance implicite préalable de l'être absolu que l'esprit peut se tourner vers les êtres finis et s'intéresser à eux.
L'être absolu rend possible la connaissance de l'étant fini.
DE L'HOMME ?
La crise physiologique de l'homme moderne est plus grave encore que la crise morale.
De plus en plus d'hommes sont en état de souffrance psychique et, selon toute vraisemblance, les choses ne feront que s'aggraver.
Face à ce défi, la pharmacie semble l'avoir définitivement emporté.
Nous sommes les champions de l’Europe - sinon du monde - en matière de consommation de médicaments neurotropes (antidépresseurs, anxiolytiques, somnifères....)
En France, la consommation d'antidépresseurs atteint des sommets. les petites gélules constituent désormais la réponse quasi systématique à toutes les expressions du mal-être ambiant.
Les chiffres sont impressionnants : selon une étude publiée par le ministère de la santé, les ventes d'antidépresseurs ont été multipliées par 6,7 en 20 ans en France, alors que les ventes globales de médicaments étaient multipliées par 2,7 pendant la même période.
Quarante millions de boîtes sont vendues par an, soit un coût d'environ 600 millions d'euros pour l'assurance - maladie.
L'homme est fatigué et il a de moins en moins envie que les choses continuent.
En dehors de toute apocalypse possible, la succession indéfinie des générations ne peut désormais plus être considérée comme assurée, tant les problèmes humains vont s'accentuer.
L''homme refuse de plus en plus son salut par la transcendance.
Les sciences techniques font miroiter l'espoir d'un posthumain qui serait à nous ce que nous sommes au singe.
Déjà les sportifs, drogués jusqu'à la moelle des os et les actrices remodelées des lèvres aux genoux par la chirurgie nous montre la voie à suivre : l'être humain tel qu'il est n'a plus de raison de s'aimer assez pour continuer à vivre indéfiniment ainsi.
Le passé n'est plus source d'admiration (les génies, les héros et les saints ne sont déjà plus de notre monde) mais de récrimination.
L'homme qui est mort n'est-il pas celui dont Foucault exhibait avec délices le certificat de décès à la fin de « Les mots et les Choses » : une certaine idée d'homme forgée par les sciences humaines depuis deux siècles.
CLONE ET UNIQUE ?
De plus en plus souvent, le monde actuel fait appel à l'obéissance plutôt qu'au bon sens.
De multiples lois supplantent la responsabilité individuelle, les marges de manœuvre s'amenuisent.
Dans la vie quotidienne, les obligations se multiplient.
Les comportements doivent être calqués à la virgule près sur des procédures prévues pour des demandes types où les esprits sont portés à ne plus penser, mais à répondre de façon répétitive et contenue.
La liberté d'expression s'amenuise, face à la pensée unique.
L'armée des clones est prête, en principe, à affronter sereinement son irresponsabilité dans le respect anonyme des instructions données.
Sauf imprévu...
Or, l'essentiel de l'humain réside dans l'expression de sa différence et fait de chacun un être à part, une personne unique.
Parallèlement se développe une personne de plus en plus individualiste dans cette société moderne.
Quel paradoxe !
Contraint et seul !
Choc du laxisme et de l'autoritarisme !
Si la confiance ne s'exerce plus qu'en collant au modèle, la liberté n'a plus d'espace à conquérir.
La fin de l'innovation et de la créativité.
Sculpté par les experts, modélisé, l'homme doit-il abandonner peu à peu son extraordinaire capacité d'adaptation au profit d'une rigidité uniforme qui fige son âme, occulte sa sensibilité et le réduit à n'être qu'une interface programmée, par les médias en particulier ?
Peut-on encore parler d'écoute ou de bienveillance dans cette fausse sollicitude qui n'est que l'un des masques de l'indifférence ?
VIE PROFESSIONNELLE ET VIE FAMILIALE
Le bien de la famille est un principe premier, qui s'impose non seulement à l'entreprise mais aussi aux membres du couple.
Concrètement il importe de permettre aux membres de la famille de mener une vie commune dans les meilleures conditions possibles. Ce qui implique, en premier lieu, qu'ils disposent de temps aux moments appropriés et, en second lieu, qu'ils ne soient pas excessivement absorbés par des soucis professionnels.
L'entreprise devrait prendre sa part de responsabilité dans la poursuite de cet objectif. Mais la réciproque est vraie : une insertion professionnelle active et réussie est bénéfique pour la famille et même pour les enfants, par le modèle qu'elle présente.
Ce qui précède signifie en pratique que :
- Les managers devraient se préoccuper du besoin d'harmonie entre ces deux pans de la vie qui interfèrent inévitablement l'un sur l'autre.
Non seulement les collaborateurs de l'entreprise ont une vie familiale et ils doivent donc pouvoir y consacrer du temps et des moyens, mais la réussite fondée sur un équilibre satisfaisant de la vie familiale est bonne pour l'entreprise.
La réponse à cette aspiration n'est pas une simple question de temps libre : il est certain qu'un collaborateur peut avoir des loisirs importants mais inadaptés à sa famille, et qu'au contraire on peut travailler beaucoup mais de façon qui ait du sens pour la famille, si on lui consacre les moments nécessaires.
- Il faut savoir reconnaître que les solutions légales ou réglementaires sont rarement le moyen principal d'action, car chaque cas est spécifique. Par exemple le travail de nuit peut convenir à certains ; de même les journées longues peuvent convenir à d'autres si, en compensation, ils peuvent dégager du temps, et en choisir les moments, pour leur famille.
- L'entreprise qui prend une pleine conscience de l'étendue de ses responsabilités devrait introduire autant que possible dans ses " valeurs " ou sa " culture " le souci de la vie familiale, c'est à dire non des loisirs en soi, mais de tout ce qui est nécessaire pour que des personnes puissent réellement prendre en charge leur foyer et leurs enfants.
- De façon générale, la difficulté principale à surmonter est de ne pas mettre en opposition la préoccupation naturelle et vitale de l'entreprise, qui est de préserver ses intérêts, ses résultats qui conditionnent sa survie et le besoin de temps choisi à consacrer à la famille.
- Inversement, il n'est pas sain non plus pour l'entreprise que les collaborateurs s'enferment dans une logique rigide, d'avantages acquis et d'horaires rigides, selon le modèle d'après guerre. Les accords sociaux peuvent et doivent logiquement prévoir et encadrer la possibilité de "coups de collier" exceptionnels qui, à l'occasion, sont souvent nécessaires, et même moralement bénéfiques. C'est donc au cas pas cas qu'on peut se prononcer, dans le cadre d'un système de valeurs accepté.
- La vie professionnelle influe fortement sur l'équilibre des salariés ; l'équilibre psychosociologique des membres de la famille garantit la responsabilité de l'institution familiale. Lorsque surviennent des problèmes familiaux (ou personnels), l'entreprise a nécessairement intérêt à les prendre en considération et, au moins, à en faciliter la résolution, ne serait-ce qu'en raison de leur répercussion sur l'attitude au travail.
En résumé, la question la plus importante dans les entreprises est celle de l'état d'esprit, et de ce qu'on peut appeler la culture de l'entreprise.
Les managers ne devraient-ils pas œuvrer pour que, parmi les valeurs reconnues dans leur équipe, une place de choix soit réservée aux actions d'harmonisation de la vie professionnelle avec la vie familiale ?
DE VRAIES VACANCES
Le bruit du monde, l’actualité, vous parvient de manière indistincte : pas de télévision, des journaux cependant (quand même !).
L’importance accordée au temps qu’il fait, le ciel scruté chaque matin avec espoir, les menus projets (à quelle heure les courses ?), les lectures avec ceux des livres apportés qu’on a lus.
Ceux qui auront fait l’aller et le retour pour rien : remords de papier.
Les rendez-vous pris avec des proches, les visiteurs, le courrier qui vient quand il veut, le jardinage d’amateur qui vous transforme en paysan de pacotille, les bruits de la campagne (il y en a), le ciel étoilé, la pluie qui tarde.
De tout ce qui fait alors événement, rien qui mérite de passer à la postérité générale.
Les vacances, d’abord, c’est intime, affaire personnelle.
Sauf celles des « importants » (ministres qui nous gouvernent, « people » qui nous obsèdent), mais on s’en fiche.
BONNES VACANCES : TROUVER LA SOURCE
Voici qu’arrive le mois de vacances, mois de repos et de détente.
Comment mettre à profit les quelques jours - qui passeront si vite - de vacances arrachées à une vie professionnelle souvent surchargée, pour vraiment, enfin, se reposer ?
Le mot « vacance », dérivé de « vacant », signifie « oisif » dans son sens premier.
C’est avant tout un rythme de vie plus lent, plus détendu, des occupations autres.
Les vacances ne doivent pas être un temps vide, mais un temps où on est plus disponible :
du temps pour le coeur : du temps disponible pour retrouver des personnes que l’on n’a guère le temps de voir (enfants, famille) et pour retrouver des lieux de ses racines ;
du temps pour le corps : du temps disponible pour des activités rendues difficiles par le rythme de la vie et pour s’évader du quotidien ;
du temps pour l’esprit : du temps disponible pour se recentrer sur l’essentiel de la vie, se renouveler, se ressourcer et trouver - enfin - le repos intérieur.
Mais alors, en quoi consiste-t-il ce repos si fécond pour la vie et si important ?
A l’origine de la fatigue, de l’épuisement parfois, et du découragement qui peut en découler, il y a le doute qui se glisse dans les pensées intérieures, souvent de manière fort sournoise, l’égocentrisme qui nous détruit : le « moi », le « je »!
Une vie où l’on trébuche et dont la part d’ombre nous fait désirer la lumière.
A l’inverse, l’état de repos intérieur est cet état de force tranquille qui permet d’avancer avec joie, lucidité, enthousiasme, vigueur et courage sur la route qui nous est donnée.
Pour y parvenir, il faut retrouver les conditions de la rencontre avec l’essentiel en nous libérant de ce qui nous guette, ce qui nous attaque et parfois nous atteint dans la vie quotidienne :
C’est avant tout l’activisme. Toujours bouger, toujours courir, toujours trop, trop vite, et pourtant jamais assez, jamais assez bien, rarement tout à fait juste. Tout cela pour paraître, pour essayer de tenir un rôle, parfois pour certains, le premier ! Quelle dérision, quand on y réfléchit ! Alors cesser cela pour entrer dans un autre temps, pour nous unifier.
L’action qui peut prendre une place démesurée. Il faut régulièrement s’y arracher pour en retrouver le sens, pour le réajuster à la profondeur de l’être. Nous nous laissons facilement entraîner dans la multiplicité des possibles. La dispersion nous guette. Il faut nous recentrer. Toujours prendre du recul. Sans oublier cependant une phrase de Norbert Segard ‘’Je ne conçois pas la réflexion qui ne se traduit pas par le geste et par l’action’’. Trouver le bon équilibre.
Le temps chaotique, jonché de réunions, de modifications, de retards, de délais, de reproches, rarement de remerciements. Nous vivons une époque marquée par l’accélération du temps. Le rapport au temps est un vrai problème. Nous sommes dans la culture du zapping, tout le temps dans le mouvement, avec de plus en plus de difficulté pour se focaliser sur quelque chose.
Il faut retrouver un juste rapport au temps, qui améliore l’efficacité.
L’accélération du temps tue l’intelligence de l’homme, car l’intelligence de l’homme a besoin de recul et de marquer un temps d’arrêt pour juger.
Le temps est toujours trop court.
Tout ce qui est humain est cyclique.
Le matériel, surtout poussé à ses extrêmes, dans l’excès, dans l’accumulation. Se défaire de la frénésie d’achats qui nous entoure, des publicités qui tentent de nous réduire à notre fibre consommatrice, de ce façonnage par le matériel. La standardisation des objets familiers envahit le milieu humain.
D’un bout à l’autre de la planète, les hommes tendent à s’habiller, à se nourrir, à se loger, à chercher leurs plaisirs, à vivre et à mourir de la même façon mécanique.
La civilisation moderne, qui ne sait plus ce qu’est l’homme, qui ne propose plus aux hommes de « bien faire l’homme », qui est amputé de toute finalité, est essentiellement une civilisation de moyens, une civilisation technique. Ce n’est plus la fin qui fait surgir les moyens. Ce sont les moyens qui sont eux-mêmes la fin poursuivie.
L’avoir a remplacé l’être.
Jamais les connaissances du monde et de l’homme n’ont été plus diverses et plus nombreuses, jamais la connaissance du monde et de l’homme n’a été plus falote et plus pauvre.
D’un côté, d’immenses moyens, une technique incomparable, une connaissance des détails poussés jusqu'à l’infini ; de l’autre une absence quasi radicale de finalité humaine, un silence prodigieux sur la question fondamentale : « où allons - nous »?
C’est le vertigineux développement des biens matériels qui nous somme aujourd’hui de retrouver notre finalité essentielle.
Le besoin de paraître. Quoi ! Je n’existe plus, je suis compté pour rien, mais c’est scandaleux ! Nos pères n’éprouvaient guère la hantise de chercher quelle était leur place dans le monde. Ils l’occupaient tout simplement.
Le visage sombre de l’absence aux autres, du mépris rencontré et qui nous a meurtri, de l’indifférence, des individualismes, des manques d’attention à ce que nous faisons et à ce que nous sommes.
L’arbitraire. Dans notre société où l’individu pense qu’il revient à chacun de décider ce qui est vrai et bon pour soi, le règne de l’arbitraire s’est installé dans la multiplication d’individualités.
L’individualisme est destructeur de la conception commune de l’homme.
Et tant de désespoir. Tant de colères. Tant d’impasses. Les ténèbres des vies qui trébuchent.
Notre siècle est celui des « mécontents ». Ce n’est pas seulement de son sort, économique, politique ou social, que l’homme moderne est impatient, mais de lui-même et de son sort humain. De même qu’il repousse le bonheur, il refuse sa nature d’homme. Il se révolte contre soi, contre son contenu, contre ses limites.
L’homme isolé au sein des masses anonymes d’aujourd’hui se disloque intérieurement.
Nous assistons à une crise de l’homme : les hommes ne savent plus ce qu’ils sont. Ils n’ont plus de modèles qui leur proposent d’être des hommes
complets, des hommes qui ont les pieds sur terre et qui ont la tête levée vers le ciel. Ne sachant plus ce qu’ils sont, ils ne savent plus devenir ce qu’ils sont.
Ils errent alors au hasard à la recherche de leur être.
Ils s’accrochent à n’importe quoi.
Voilà l’objectif : pendant les vacances, les forces intérieures renouvelées, l’horizon éclairci, le tumulte apaisé, l’être dynamisé, les blocages et barrages écroulés, le coeur respire, l’esprit est ressourcé, le centre est consolidé.
Profitons de ce temps de vacances, pour soigner les relations que nous allons rencontrer, la vie familiale, le ressourcement intellectuel et humain : pour discerner l’essentiel dans la vie et trouver ce qui en est la source.
Retrouver la confiance qui repousse la peur et instaure l’espérance.
Vivre c’est oser.
Et puis quand le temps des vacances approche de sa fin, reviennent peu à peu les préoccupations habituelles qui ont été comme mises à l’écart. Non qu’on n’y pense pas, surtout quand le fardeau est lourd, mais, prenant du recul, on peut mieux mesurer leur réelle importance.
Et il faudra reprendre à nouveau le chemin qu’il nous est donné de parcourir.
Alors viendra la question : « Qu’as tu fait de tes vacances »?. J’ai fait RIEN. Je me suis reposé.
Mais en réalité, nous aurons tenté d’effacer toute division, toute contradiction, pour rentrer dans l’unité première de notre être et en trouver l’origine.
Dès lors, les temps, les lieux, les travaux, les mépris qui seront rencontrés de nouveau, les événements, quels qu’ils soient, ne viendront troubler notre paix intérieure et notre sérénité.
Nous pourrons donner à chaque événement d’une vie son juste poids.
De quoi sortir de l’été.... reposé.
BONNES VACANCES
Avec les vacances, voilà l'occasion de recharger en profondeur ses batteries en s'éloignant du rythme et des tiraillements de la vie professionnelle.
Mais le repos seul ne reconstitue pas la totalité des forces vives.
Encore faut-il aller plus profond, faire de la place à l'expression spontanée, la réflexion, l'appréciation de la nature, l'harmonie dans les relations, retrouver les gestes simples du bonheur quotidien, prendre du recul pour trouver l'essentiel de la vie.
Il faut se rappeler que les plus belles inventions humaines n'ont de sens que si elles sont compensées par une aptitude à l'équilibre.
Profiter des vacances pour trouver cet équilibre, en profondeur.
Bonnes vacances !
"La grandeur d'un métier est peut-être avant tout, d'unir les
Hommes.
Il n'est qu'un luxe véritable et c'est celui des Relations Humaines.
En travaillant pour les seuls biens matériels, nous batissons nous-mêmes notre prison, avec notre monnaie de cendre qui ne procure rien qui vaille de vivre."
Antoine de Saint- Exupéry