CONDITION HUMAINE
La question la plus importante qui existe actuellement ; la question fondamentale : celle de la condition humaine.
Somme-nous, comme le pense Jacques Monod, des « paquets de neurones perdus dans l’immensité indifférente de l’Univers » ?
Ou existe-t-il un autre niveau de réalité que celui dans lequel nous vivons actuellement ?
Jacques Monod, dans Le hasard et la nécessité décrit le « désenchantement du monde » en ces termes :
« L’homme ne peut se leurrer de l’espoir qu’il participe à quoi que ce soit qui le dépasse. Il sait enfin qu’il est seul dans l’immense indifférence de l’Univers d’où il a émergé par hasard. »
Le désenchantement du monde débouche sur celui de l’homme.
Le prix Nobel Steven Weinberg, qui a exprimé ce désenchantement dans une phrase célèbre : « Plus nous comprenons le Monde, plus il nous semble dépourvu de signification. » abonde en ce même sens et cite un autre astrophysicien, Jim Peebles, de Princeton : « Je suis porté à croire que nous ne sommes que des débris de bois flottant à la surface de la mer. »
Car si l’Univers n’a pas de sens, peut-on vraiment affirmer que l’homme peut s’en inventer un à lui-même ?
Un « paquet de neurones » peut se modifier et se détruire à volonté, ainsi, au nom de quoi le respecterait-on ?
Un garde-fou essentiel vient de disparaître.
L’un de ceux qui avaient le mieux perçu cette idée, il y a déjà plus d’un demi-siècle, est Antoine de Saint-Exupéry, dans Pilote de Guerre :
« L’homme de ma civilisation ne se définit pas à partir des hommes.
Ce sont les hommes qui se définissent par lui.
Il est en lui, comme en tout être, quelque chose que n’expliquent pas les matériaux qui la composent.
Une cathédrale est bien autre chose qu’une somme de pières. Elle est géométrie et architecture. Ce ne sont pas les pierres qui la définissent, c’est elle qui enrichit les pierres de sa propre signification. »
Il perçoit avec une acuité extraordinaire le drame de l’humanisme contemporain :
l’impossibilité de trouver un fondement solide à l’homme dans un monde où il ne serait « rien d’autre que… ».
Il poursuit :
« On ne dit rien d’essentiel sur la cathédrale si l’on ne parle que de pierres.
On ne dit rien d’essentiel sur l’Homme si l’on cherche à le définir par des qualités d’homme.
Nous avons glissé, faute d’une méthode efficace, de l’Humanité qui reposait sur l’Homme, vers cette termitière qui repose sur la somme des individus.
Si notre société pouvait encontre paraître souhaitable, si l’homme y conservait quelque prestige, c’est dans la mesure où la civilisation véritable, que nous trahissons par notre ignorance, prolongeait encore sur nous son rayonnement condamné, et nous sauvait malgré nous-mêmes. »
L’image employée par Saint-Exupéry (le « rayonnement condamné ») est terrible : celle d’une étoile qui nous réchauffe de sa lumière, mais qui est déjà morte, qui a déjà explosé.
Comme elle est située très loin de nous, sa lumière nous parvient encore un peu, longtemps après sa mort.
Mais viendra inexorablement le moment où cette lumiére s’éteindra.
Nous sommes ainsi condamnés à l’obscurité complète, sauf si, dans le temps qui nous reste, nous pouvions retrouver cette source de lumière ; retrouver le Chemin, la Vérité et la Vie.