OSER L'ÉCOUTE
Que demandent les personnes autour de nous ?
Avant tout d'être écoutés.
Or, paradoxalement, beaucoup parlent et peu écoutent. Et pourtant, chacun désire être écouté.
Tous, nous avons besoin pour exister, pour nous mettre debout, d'une oreille qui sache nous percevoir en vérité quand nous essayons de nous dire nous-mêmes.
Etre écouté permet de prendre conscience de soi en tant qu'être humain. C'est en fait la condition de base de la croissance psychique.
C'est le fondement de la confiance en soi et de la créativité.
Mais qu'est-ce qu'écouter ?
Rien de plus personnel, de plus mystérieux aussi, que ce pouvoir qui nous est donné de permettre à autrui de devenir lui-même en disant sa difficulté ou son aspiration, et de prendre ainsi conscience de sa propre valeur.
Personnel, parce que la véritable écoute – à l'inverse de cette attention distraite que nous prêtons aux flots des paroles que véhiculent les médias – est l'offrande d'une attention singulière à un être unique.
« Il sait écouter », disons-nous d'une personne qui possède cette heureuse capacité d'être « tout à vous », de s'abstraire de son travail ou de ses soucis le temps qu'il faut pour vous consacrer, parfois sur le champ, son attention bienveillante et exclusive.
C'est par cette ouverture, qui nous déloge de notre suffisance, qu'est rendue possible l'écoute de l'autre.
L'art de l'écoute suppose cette décentration de soi-même. Quel travail !!
Cela exige aussi un calme et une attention que ne viennent pas perturber ses propres réactions spontanées. Enervement intérieur, attitude réprobatrice, culpabilisante, ne sont pas de mise dans la première phase de l'écoute.
Ecouter la voix de quelqu'un, c'est davantage que d'entendre les mots de son discours. C'est se faire attentif à ce qu'il est en train de dire, ce qu'il vit d'unique.
Aussi l'écoute, fut-elle la plus familière, implique un travail intérieur de désencombrement et de disponibilité.
Elle suppose encore que l'on accepte d'être changé par l'autre, que l'on soit suffisamment en confiance pour consentir à être affecté par sa différence.
Deux choses essentielles empêchent d'écouter l'autre : le manque de disponibilité et le fait de ne pas trouver la bonne distance vis-à-vis de lui.
Le manque de disponibilité peut avoir diverses origines. Le manque de temps, d'abord, qui peut aussi bien relever d'un sentiment interne que de la réalité extérieure : on est envahi par tout ce que l'on a à faire, pris par un activisme, qui laisse peu de place à la réceptivité.
L'encombrement de soi-même, ensuite, le poids de ses propres soucis : on sait bien que, dans les moments difficiles, on est moins ouvert à l'autre. A un niveau plus inconscient, on peut craindre d'être ébranlé, dérangé dans son propre fonctionnement.
Ecouter quelqu'un, c'est en effet être confronté à la différence : c'est accepter d'entendre des choses hors de son système de référence habituel, en marge de sa zone de sécurité. Notre système d'auto-protection est donc en alerte et peut peser plus ou moins sur notre capacité d'écoute, la limiter.
La qualité d'écoute suppose un véritable travail sur soi-même.
Chacun devrait pouvoir s'interroger de temps en temps sur sa façon d'écouter et prendre plus ou moins conscience de sa subjectivité.
Reconnaître qu'on enferme l'autre dans une certaine image, c'est du même coup lui donner la possibilité de montrer plus facilement d'autres facettes de sa personnalité.
Mais il faut aussi préserver sa propre identité, tout en accueillant l'autre qui, par sa différence, permet de se renouveler.
C'est la difficulté, mais aussi toute la richesse de la communication.