2 octobre 2006
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UNE SOCIETÉ DE PEURS
La montée du terrorisme, dont la stratégie est fondée sur la diffusion de la peur, marque dans notre monde le début de ce nouveau siècle, et chaque jour qui passe possède son lot d’attentats, provoquant la mort dramatique de victimes innocentes.
La société française n’échappe pas à cette montée de la violence et de la peur.
Le phénomène de peur est inscrit, depuis les origines, dans l’histoire de l’humanité. Aussi l’essentiel ne consiste-t-il pas à « ne pas avoir peur », mais à reconnaître sa peur afin de pouvoir la maîtriser. C’est en la nommant qu’on peut l’apprivoiser.
Celui qui choisit de ne pas se voiler la face, mais au contraire de regarder droit dans les yeux ce qui pour lui est source de peur, se montre alors capable de la maîtriser.
Il ne s’agit pas de vouloir nier la peur. Elle est indissociable de l’être humain.
Celui qui ne connaît pas la peur ne peut découvrir la valeur du courage.
LE CHEMIN DE LA CONFIANCE
L’antidote de la peur, c’est la confiance.
Une société qui a peur, c’est une société qui n’a plus confiance.
Le chemin de maîtrise de la peur passe par le développement de la confiance en soi.
Lutter contre la peur, c’est se donner les moyens de retrouver cette suffisante confiance en soi qui permet d’affronter sereinement les difficultés de la vie.
Suffisante, dans l’acceptation que lui donnent les psychanalystes. Il s’agit d’avoir une confiance ni trop grande ( la personne a l’impression de pouvoir se passer des autres), ni trop faible ( la personne se laisse dominer par la peur).
Avoir une suffisante bonne image de soi-même.
A noter qu’il existe un lien entre la déviance des comportements et la mésestime de soi.
Le chemin de la maîtrise de la peur passe donc par la confiance retrouvée.
Une société qui se laisse submerger par la peur est une société qui a perdu confiance en ses institutions : école, police, justice. Il est de bon ton, depuis les années 68, de critiquer le fonctionnement des institutions, et il est vrai qu’un tel fonctionnement peut toujours être amélioré. Mais l’excès de critique peut miner la confiance. La critique du fonctionnement des institutions ne peut s’effectuer qu’en les respectant.
LE MANQUE DE CONFIANCE EN L’AUTRE
C’est toujours l’inconnu qui fait peur. Si je ne connais pas l’autre, je me sens dans l’incapacité d’anticiper ses réactions, et je risque de développer une relation de méfiance.
Construire une société capable de vaincre la peur de l’autre, c’est bâtir une société fraternelle. La crise actuelle de la société peut se lire comme une crise de la fraternité.
LA PEUR DE L’AVENIR
Nous avons aujourd’hui une situation éminemment paradoxale.
Notre génération est la première, dans l’histoire de notre pays, qui confie à la suivante un avenir sans risque d’invasion du territoire par un de nos voisins. Nos parents, grands-parents ont quant à eux, connu des enfances ou des jeunesses marquées par la guerre. Et pourtant, ils savaient être porteurs d’espérance.
Malgré leur histoire, nos parents savaient enthousiasmer leurs enfants sur le thème de demain.
Aujourd’hui, tel n’est plus le cas. On ne sait plus qu’inquiéter nos enfants sur l’avenir : la pollution, le chômage, le terrorisme...
Le regard que les parents portent sur le monde actuel, les rend incapables d’enthousiasmer leurs enfants sur l’avenir. Et les conséquences sont désastreuses sur le moral de la jeunesse.
La jeunesse ne peut que se sentir mal dans une société marquée par l’immobilisme, la méfiance, la sinistrose, le cynisme...
Une société qui a perdu confiance en son avenir est une société qui est en difficulté pour transmettre.
LA PEUR DE LA MORT
La peur nous révèle, nous et ceux que nous aimons, vulnérables face à une nature hostile et à l’inimitié potentiel d’autrui.
Elle expose face à la menace d’une mort inévitable. Or, parce que nous sommes vivants et pensants, nous ne pouvons réduire la mort à un simple épisode dans la continuité de l’espèce.
Les multiples peurs qui parasitent nos vies ont toutes pour horizon la peur de la mort.
Mais c’est là aussi qu’elles changent de nature. Comme l’a montré Hegel dans la célèbre dialectique du maître et de l’esclave, la menace de la mort nous fait passer de la peur, qui porte toujours sur un objet déterminé, à l’angoisse qui pour sa part ne vise rien de précis mais dévoile par là même la liberté de la conscience par rapport à tous les objets de la nature et à notre propre réalité naturelle.
Comme le souligne Hegel, avec cette angoisse la liberté naît à sa propre possibilité en se distanciant de l’ordre vital.
On voit dans l’angoisse avec Kirkegaard, le « vertige de la liberté » ; on cerne avec Heidegger l’angoisse comme expression de notre « être pour la mort ». Dans tous les cas, il apparaît qu’on ne peut être conscient de cette liberté sans être par moments saisi d’une angoisse qui n’a rien de pathologique, mais qui est plutôt le signe et la signature de notre dignité et de notre responsabilité inaliénables de sujets.
Derrière la peur de la mort, qui est un hommage à la vie, s’insinue sournoisement son contraire et sa caricature, la peur de vivre.
Privés de repères stables, héritiers sans testament, beaucoup, surtout s’ils sont jeunes, sont pris de vertige : l’angoisse de la liberté, expression de sa dignité et de son sérieux, devient alors une angoisse devant la liberté, c’est à dire un renoncement à l’exercer, à se reconnaître responsable, à s’engager de manière irrévocable.
Les symptômes de ce renoncement s’appellent ici divertissement, conformisme intellectuel et social, assurances tous risques...
TRAVERSER LA PEUR
Peur des autres, peur de la peur.
Peur du présent, peur de l’avenir.
Innombrables sont les diagnostics posés sur nos peurs.
Rarissimes sont les paroles fortes, les mises en alerte de la confiance. Qui a dit : « N’ayez pas peur » et montre le Chemin à suivre ?
La confiance donne courage.
Ce courage, nous ne le puiserons que dans la confiance, et dans le renoncement à toute suffisance. « Il faut se désarmer », dira Athénagoras à la fin de sa vie. Se désarmer de la volonté d’avoir raison, de se justifier en disqualifiant les autres : « J’ai renoncé au comparatif. Ce qui est bon, vrai, réel est toujours pour moi le meilleur. Et c’est pourquoi je n’ai plus peur. Quand on n’a plus rien, on n’a plus peur. »
La confiance en l’avenir, en notre irréductible humanité que les événements de l’actualité - si assourdissants soient le bruit et la fureur qu’ils dégagent - ne peuvent annuler est peut-être en passe de devenir la spécificité de deux qui ont trouvé le Chemin de la vraie vie.
Le carburant de l’avenir, il est en chacun de nous. Une ressource inépuisable.