IDENTITÉ HUMAINE
Au fondement de notre anthropologie, la notion de personne est à cet égard riche d’enseignements parce qu’elle est porteuse d’une compréhension paradoxale de l’identité humaine.
La carte d’identité nationale dont la fonction est d’identifier la personne (vérifier qui elle est) dit en réalité peu de chose sur son identité personnelle qui est irréductible à des données objectives (photo, patronyme, sexe, lieu et date de naissance, adresse, empreinte digitale).
L’identité personnelle (son histoire, sa chair, ses engagements) apparaît ainsi immédiatement comme incommensurable.
Elle n’est pas une donnée de nature ; elle échappe à toute catégorisation sociale ou morale ; elle relève d’une responsabilité à mettre sans cesse à l’épreuve.
Car une identité personnelle est en amont de ses actes et de ses pensées, sans jamais pouvoir la saisir de façon objective.
L’identité personnelle se donne comme un secret à préserver, une énigme qu’aucune conceptualisation ne peut dissiper.
C’est ainsi que nous comprenons la remarque de Paul Ricoeur à propos du personnalisme : « Moins et plus qu’une philosophie. »
Une anthropologie centrée sur la notion de personne ne peut que renoncer à l’esprit de système.
L’énigme de la personne ne vaut pas par son obscurité mais parce qu’elle est le signe d’une réalité dont la valeur, excédant tout concept, fait de chaque homme un être singulier et inobjectivable.
Affirmer cette valeur sacrée, non-négociable, de la personne, c’est dire qu’elle ne peut pas être traitée comme une chose.
Cela indique ce qui la distingue radicalement du reste de la nature et également le lien fondamental entre tous les hommes.
L’humanisme capable d’honorer la pluralité des visages humains redonnera à cette notion de personne toute sa densité, contre l’indétermination dans laquelle elle est tombée.
Car un des paradoxes de l’individualisme contemporain est de méconnaître la singularité irremplaçable de la personne et de fabriquer des individus inconsistants, des individus sans ancrage et modelables selon les désirs, « des identités sans personne ».