14 novembre 2006
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L’INACCEPTABLE
Il y a des réalités inacceptables.
Il ne faut pas avoir peur que le souvenir de leurs images viennent hanter nos mémoires en nous donnant envie de crier. Il ne faut pas avoir peur de se révolter à leur contact.
VARSOVIE 1943
L’armée allemande vient de s’emparer du ghetto juif. Celui-ci est tombé après une résistance héroïque au milieu de la famine, des épidémies, du cauchemar. Il fait nuit. C’est la cohue. Des SS séparent les familles. Ils trient les hommes, les femmes, les vieillards, les enfants, afin de les envoyer dans les camps où la mort les attend.
Un petit garçon a les bras levés en l’air. Il est vêtu d’un pantalon court, d’un paletot de laine et d’une grande casquette. Un soldat allemand le tient en respect au bout de son fusil mitrailleur. Il est caparaçonné dans un lourd manteau bardé de ceintures et de sacoches. Le soldat n’a pas de regard. Il est sans visage derrière son casque d’acier.
Le petit garçon a un regard grave où se lit toute l’incompréhension du monde devant le déchaînement de la barbarie.
NORD VIETNAM 1972
Des civils nord-vietnamiens fuient sur une route leur village en flammes. Il pleut. Ils ont peur. Ils ont tout perdu. Au milieu des camions, des voitures, des charrettes et des bicyclettes, une petite fille pleure. Elle est nue. Son visage ruisselle de pluie et de larmes. Son maigre petit corps grelotte de froid, de terreur et de honte.
Elle n’est pas nue. Elle est plus que nue.
ALGERIE 1997
Une mère de famille vient d’apprendre que ses trois enfants ont été égorgés par un groupe islamique qui terrorise la région. Son voile qui s’est défait laisse apparaître un visage d’une grande beauté, que le crie d’horreur qui déchire ses entrailles a transformé en icône de la douleur.
On est dans l’indicible.
En cet instant, toutes les mères du monde sont dans cette mère terrassée par le chagrin, qui est devenue toutes les mères du monde.
VILLEJUIF 24 DECEMBRE 2004
Une équipe de télévision est venue filmer le Noël des petits leucémiques. Dans une chambre, sur son lit, un petit garçon très pâle et tout chauve rit en battant des mains.
Devant lui, un clown frisé avec un gros nez rouge joue de la trompette. Ce soir on va chanter dans les églises. Il y aura des familles joyeuses et des enfants poussant des cris en ouvrant leurs cadeaux sous le sapin.
Ce soir peut-être, à moins que ce ne soit que demain, ce petit garçon va mourir.
SRI LANKA 26 DECEMBRE 2004
Le tsunami a dévasté les côtes de Ceylan. Dans les décombres de ce qui fut sa maison, une petite fille cherche ses parents en pleurant.
On ne lui a pas dit qu’elle ne les reverra jamais plus. Ou si on lui a dit, elle ne l’a pas compris. Qui viendra sécher ses larmes ?
Qu’est-ce qui pourra combler le gouffre creusé par ce raz de marée qui s’est abattu sur sa vie si frêle ?
Varsovie, le Nord Vietnam, l’Algérie, l’hôpital de Villejuif, le Sri Lanka : après ces photos, quelle vision avons nous de l’Homme ?
Et malgré cela....
« Qu’est-ce que l’Homme pour que Tu penses à lui,
Un fils d’Homme, que Tu en prennes souci ? » crie le Psalmiste.
(Ps 8)