La recherche du bonheur ne date pas d’hier.
On peut, par exemple, citer la plus fameuse peinture de Gauguin qui s’intitule :
D’ou venons nous ? Qui sommes nous ? Où allons nous ?
Elle date de 1897 et c’est le testament du peintre, avant qu’il tente de se donner la mort, l’année suivante. Il avait fui l’Occident pour chercher un paradis à Tahiti, mais Tahiti était déjà abîmé. En 1891, il s’en alla plus loin encore, aux Marquises, mais l’administration coloniale l’avait précédé. Il n’y avait plus de paradis et il était au désespoir.
Et pourtant, plus prêt de nous, à la fin des années 1960, l’avenir semblait magnifiquement prometteur.
Comme l’écrivait Dickens, « le temps s’écoule vers sa fin et le monde, pour l’essentiel, devient meilleur, plus aimable, plus tolérant et plus encourageant ».
On avait confiance en l‘avenir.
Mais cette confiance est presque entièrement anéantie.
Après mai 68, curieusement une des étapes de cette perte de confiance a été la chute du mur de Berlin en 1989. L’histoire s’est terminée pour beaucoup. Le rêve d’une transformation radicale de l’humanité s’est dissipée.
En dépit d’un accroissement de la richesse de beaucoup de nos concitoyens, on observe une dépression collective.
Nous voyons la violence augmenter dans nos villes mais aussi dans les campagnes, l’usage de la drogue se répandre notamment chez les jeunes, et dans le monde qui nous entoure, une inégalité croissante entre riches et pauvres, une aggravation de l’épidémie du sida, la menace d’un désastre écologique et, par dessus tout, la montée du terrorisme.
Privée de promesse d’avenir, que peut notre génération du tout, tout de suite, sinon vivre dans l’immédiat ?
La croyance moderne en notre capacité à rendre le monde meilleur s’affaiblit. Le présent est notre nouvel horizon, notre port, notre refuge dans l’océan du temps.
Le seul rôle que nous, les hommes, pouvons jouer serait-il négatif, en suscitant un désastre écologique par notre avidité ?
L’espérance de nos ancêtres était confortée par l’optimisme de la société. La société se croyait sur la route d’un avenir splendide du point de vue matériel.
En ce qui nous concerne, nous avons aussi quelque chose de rare et d’extraordinaire à offrir : l’espérance, celle dont parlait Vaclav Havel :
« L’espérance n’est pas la conviction que quelque chose finira bien ; c’est la certitude que quelque chose a un sens, quelque soit la façon dont cela finit. »
C’est la conviction qu’il se révélera un jour que tout ce que nous vivons, bonheur comme malheur, a un sens.
En dépit de la folie du siècle dernier, avec ses guerres mondiales et sa bombe atomique, en dépit de la Shoah et du génocide en Afrique, l’existence humaine n’est pas vouée à l’absurdité.
C’est au moment où toute espérance humaine semble évanouie que jaillit l’Espérance : elle nous montre que la vie a un sens.
Notre vie est orientée vers une fin ultime. Mais en dépit de toute l’absurdité et de toute la souffrance que nous pouvons connaître, le sens a le dernier mot. Il nous donne des forces pour garder la bonne direction.
A la fin du compte, il n’y a qu’un seul objectif, qui façonne une vie et lui donne sa cohérence.
« Seuls ont peur, ceux qui se croient seuls. » (Catherine de Siène)