DÉFI ET FRAGILITÉ
S’il fallait définir notre époque, on pourrait le faire par le mot défi, devenu un des mots les plus courants du langage moderne.
Aujourd’hui, en considérant tout comme un « défi », on exprime la précarité, l’incertitude, voire l’angoisse de l’être humain.
L’homme, dont la mission est de vivre du futur, manque d’appétit pour le futur.
Il a peur d’habiter l’avenir, sa demeure ancestrale : il ne se sent plus « assuré » -au sens alpiniste du mot- de s’y reconnaître si l’avenir est un miroir, d’en rester le maître s’il est une œuvre à réaliser, d’en supporter le poids s’il est un message.
Le professeur Roger Mehl décrivait l’homme contemporain tout à la fois « immensément diminué et démesurément grandi ».
Devant la situation titubante du monde, l’homme moderne perd pied et se met à douter de lui-même.
Mais cet homme balbutiant, titubant, déçu ou trahi par ses propres œuvres, attend beaucoup de tous ces penseurs, ni meilleurs ni pires, dont le regard est réglé sur une autre distance, qui ont l’air de désigner un « territoire » humain où la nuit est un peu moins dense, et qui donnent envie de croire que c’est de ce côté que l’aube poindra.