DROIT PENAL
Nous assistons à une évolution que les magistrats eux-mêmes appellent la pénalisation progressive de nos sociétés.
Ce phénomène est un effet pervers de l’individualisme contemporain et, surtout, du polythéisme des valeurs.
Il se définit en peu de mots : la prévalence de la sanction pénale comme ultime mode de régulation sociale dans des sociétés assez largement désagrégées.
A mesure que les croyances ou les représentations collectives – jadis intériorisées – s’évanouissent, la punition se renforce.
Le droit pénal, par la force des choses, remplace le lien social ou politique défaillant.
Il ne s’agit plus d’intégrer quiconque à une norme commune mais d’éliminer prioritairement la menace incarnée par un éventuel coupable.
Ainsi le droit pénal tend-il à devenir – avec la loi du marché – le dernier mécanisme régulateur d’une société dépourvue de valeurs communes réellement partagées.
Autrement dit, le taux de remplissage des prisons devient inversement proportionnel à la vigueur des convictions communes. Plus ces dernières s’affaiblissent, plus les prisons se remplissent.
Singulier paradoxe : la permissivité généralisée débouche mécaniquement sur une population pénitentiaire en augmentation.
Nous assistons à une rigidification de la vie sociale sous l’effet de l’obsession procédurière, qui corsète le citoyen à l’intérieur d’une carapace de « droits négatifs ».
Cette individualisation du droit – qui ne met plus en avant l’idée de cohésion sociale mais la protection des personnes – aboutit à une prolifération de textes, une colonisation de l’espace privé par la règle, notamment pénale.
Mieux encore, à l’idée de faute à sanctionner (où est la faute dans un contexte relativiste ?) se substitue celle de préjudice à réparer et sécurité à garantir.
La frontière tend naturellement à se brouiller entre droit civil et droit pénal.
La plainte de la victime occupe toute la place.
La victime qui réclame réparation et vengeance.