HOMME MODERNE
L’homme moderne a besoin de considération, de respect, d'écoute....
Il a besoin qu'un grand souffle le sollicite, qu'un appel lui soit lancé, qu'un "sens à la vie" lui soit proposé.
Il a besoin de pouvoir gérer sa vie de façon libre, autonome, d'être lui-même, de grandir à ses risques et périls.
- Que faire d'un sens à l'existence qui ne tient pas compte de l'homme réel ? Vous prétendez me motiver, mais tout est sec, rigide, programmé comme un ordinateur.
- Pourquoi se battre sans cesse ? Pourquoi le règne de la compétition ? Pourquoi gagner ? Toujours gagner !... Gagner de l'argent, gagner du temps...
Si je ne suis rien pour personne, votre "lutte pour la vie" ne m'intéresse pas.
L’HOMME MODERNE A BESOIN DE CONSIDERATION, DE RESPECT, D'ESTIME
Les pannes de communication sont ressenties avec une douleur démesurée par de nombreuses personnes.
Certains savent "faire la part des choses". Ils sont devenus "réalistes". On ne peut tout de même pas attendre des autres ce que l'on est si peu enclin à leur offrir.
D’autres n’ont pas eu le temps de se faire une carapace pour se protéger.
L’homme se voit inutile dans le regard de ceux qui le rejette.
Il se voit précieux dans le regard de ceux qui le respecte.
Reconnu, apprécié, il s'accepte tel qu'il est et peut se développer.
Nié, refusé, caricaturé, il ne sait plus comment s'accommoder de lui-même.
"Vous n'êtes qu'un bon à rien, vous êtes nul...".
Ces paroles de rejet peuvent s'incruster profondément dans l'inconscient et y creuser des failles redoutables.
L’homme accepte très mal de n'être pas "reconnu" dans sa différence, dans ce qui fait de lui un être unique.
De plus, il voit bien que ses défauts (insuffisance, caractère etc…) découragent l'admiration minimum qui pourrait le stimuler.
Des paroles dites "sans y penser" à certains moments de grande vulnérabilité peuvent provoquer en lui le désarroi, l'indifférence à tout, une névrose d'échec ou d'abandon.
Le soleil n'attend pas que le bouton de fleur s'ouvre pour lui donner lumière et chaleur.
C'est parce que le soleil lui donne sa lumière et sa chaleur que le bouton de fleur peut s'épanouir.
La violence est un "langage".
Cette violence a deux issues : extérieure ou intérieure.
. Extérieure (contre les autres) : cynisme, cruauté, mépris.
. Intérieure (contre soi-même) : jalousie, souffrance, dépression.
Il nous faut apprendre à déchiffrer ce "langage".
Il provient d'une attente déçue.
Attente démesurée sans doute.
La réponse à l'irrespect se nomme le mépris, le désengagement, le repli sur soi.
Nous sommes sans cesse tentés d'oublier cette urgence du respect.
L’homme moderne est devenu un mendiant de présence, d’attention et de respect.
Le mal, c'est le repli sur soi.
Mais pour tel ou telle, concrètement, le mal c'est qu'ils aient eu besoin de ce narcissisme pour se mettre à l'abri.
L'égoïsme peut être une tentative pour protéger sa blessure comme on met les mains au-dessus de sa tête pour éviter une gifle.
Respecter ce n'est pas assimiler l'autre, c'est respecter sa différence, se réjouir de cette différence.
Une des formes de respect les plus vivifiantes consiste à dire à l'autre : "J'ai besoin de vous ".
En effet, rien n'est plus douloureux que le sentiment d'être "de trop", "bon à rien", "inutile".
Attention à l’incapacité à assumer l'humiliation.
L'homme moderne tient à l'honneur, à l'estime, à la considération plus qu'à la vie.
Il faut ajouter aussi que l'être humain éprouve de la difficulté à s'estimer lui-même.
Et cela pour la même raison qu'il en éprouve à estimer l’autre.
Il lui manque l'admiration.
Il voudrait pouvoir s'admirer sans restriction.
Or, ses "manques" lui sautent aux yeux.
Il réclame des autres et de lui-même une perfection qui n'existe pas en ce monde.
C'est souvent parce qu'on se juge soi-même de façon impitoyable que le jugement d'autrui devient si lourd.
L’HOMME MODERNE CHERCHE A COMPRENDRE LE SENS DE LA VIE
Cette aventure étonnante de la vie, d'où vient-elle ?
Où nous conduit-elle ?
Imaginez que vous vous réveillez un matin sur un navire en plein océan. "Qui m'a mis là ? Où va ce bateau ?"
A ces deux questions on vous répond : "Nous n'en savons rien... Ah si ! Nous savons qu'au bout du voyage la mort et le néant nous attendent !..."
Je suis sûr que même si la vie à bord est aménagée pour le mieux, nous ne serons pas résignés à n'avoir aucun éclaircissement sur le sens de l'expédition.
L’homme moderne se découvre passager de cet étrange vaisseau qu'est la Terre.
Il se pose des questions : A quoi ce voyage rime-t-il ? Qu'est-ce que je peux bien faire là ? Qui donc nous y a mis ? Le hasard ? Ce mot ne donne pas la clef de l'énigme. Si, comme certains l'affirment paisiblement, nous venons de "rien", pourquoi serions-nous davantage que "rien" ?
Ce genre de questions peut tenailler avec insistance.
On instruit de tout, sur l’informatique, l’électronique, la physique, mais sur l'essentiel : rien, le flou complet.
Sur le fin mot des choses, le pourquoi de son existence, le pourquoi de sa présence sur cette planète... rien !
Des philosophes insatisfaits ont imaginé des "grandes synthèses".
Marx et Freud ont proposé des théories qui, en réalité, ne disent rien sur le "pourquoi" de la vie. Une de ces deux théories s'est révélée meurtrière au-delà de l'imaginable.
L’homme moderne ne trouvera pas la paix tant qu'il n'aura pas trouvé d'éclairage aux questions fondamentales.
« Citadelle » : voici un des textes de Saint Exupéry qui peuvent fournir cet éclairage :
"Il se passe, au moment des grandes migrations, un phénomène singulier dans les basses-cours.
Les oiseaux domestiques sont alors comme aimantés par le grand vol triangulaire de leurs frères sauvages. Ils amorcent un bond inhabile qui échoue à quelques pas.
L'appel sauvage a frappé en eux avec la vigueur d'un harpon je ne sais quel vestige sauvage.
Et voilà les canards de la ferme changés pour une minute en oiseaux migrateurs.
Voilà que, dans cette petite tête dure où circulaient d'humbles images de mares, de vers et de poulaillers, se développent les étendues continentales, le goût des vents du large et de la géographie des mers.
Et le canard titube de droite et de gauche dans son enclos de fil de fer, pris de cette passion soudaine dont il ne sait pas où elle le tire et de ce vaste amour dont il ignore toujours l'objet...
Cet appel qui t'a remué tourmente sans doute tous les hommes.
Qu'elle se nomme le sacrifice, la poésie ou l'aventure, la voix est la même.
Mais la sécurité domestique a trop bien étouffé en nous la part qui pourrait l'entendre. Nous tressaillons à peine, nous donnons deux ou trois coups d'aile et retombons dans notre cour."
Que faire de cette faim inhérente à l'être humain ?
Détournée de son vrai but, elle s'offre quelques amuse-gueules.
On vénère une star de la chanson, une idole du sport.
Ces "trompe-la-faim", ces divinités de contrebande, peuvent, la déception venue, nous livrer au réflexe : "On ne m'y prendra plus !"
En chacun de nous s'affrontent "animus" et "anima", disait Claudel.
"Animus", c'est notre côté organisateur, actif, transformateur du créé.
"Anima", c'est notre côté contemplatif, poète.
"Animus" veut tout régenter. Il marginalise "Anima". Le fait de devenir cynique ou mal dans sa peau est un symptôme de cette frustration.
Qui éclairera l’homme sur la question "qui suis-je ?"
Ce sujet-là est tabou.
Il n'a pas sa place.
Il est maintenant rayé de la culture.
L’HOMME MODERNE A BESOIN DE S'INVENTER, DE SE CONFRONTER AU REEL
L’homme moderne se transforme en ordinateur qui emmagasine un savoir, un "prêt-à-penser".
Il ne se forme pas.
De plus, s’il reste sept à dix heures par semaine passif devant le petit écran, il risque un ramollissement de sa personnalité...
Les émissions dramatiques ou bouffonnes succèdent aux actualités sans lui laisser le temps de discerner la paille et le grain, de comprendre le sens des événements et de réagir.
C'est sans implication personnelle.
Est-ce bien "la vie" que l'on pense découvrir ainsi ?
Pour exister, il est nécessaire d'acquérir une mentalité de "pionnier" et non de "rentier".
Etre un homme, c'est accepter joyeusement de vivre dans un monde où rien ne s'obtient sans effort, sans travail...
Dans les sociétés du Tiers-Monde, les hommes sont mobilisés très tôt pour la survie de la famille. Ils vont chercher l'eau au puits. Ils doivent extraire la nourriture du sol par le travail. C'est pourquoi ils ne connaissent pas ce marasme des hommes de chez nous, trop repus, saturés d'ennui, comblés avant d'avoir eu le temps de désirer.
Dans nos sociétés d'abondance, il faut absolument trouver des terrains d'affrontement au réel.
L’affrontement n’est pas un combat belliqueux.
Le marin n'a pas de haine contre la mer lorsqu'il se mesure au mauvais temps.
La truite ne maudit pas les rapides qu'elle remonte à contre-courant. Dans un lac calme, elle mourrait ! Il en est ainsi pour l'être humain.
Respecter vraiment quelqu'un, ce n'est pas dérouler sous ses pas le tapis rouge de la facilité. "Il n'y a qu'un homme qui ne m'a jamais trahi, c'est l'ennemi de mon ennemi".
Notre pire ennemi, c'est le "laisser-aller", la "médiocrité", l'attitude veule de ceux qui n'ont aucun élan, aucune passion.
Vivre a toujours été et sera toujours un défi.
C'est cela qui fait la grandeur de l'existence.
L'être humain ne s'accroche qu'à ce qui lui a coûté.
Dispenser une personne de responsabilités, c'est l'empêcher de se développer, c'est l'enterrer vivant.
A l'époque des cavernes, les hommes étaient déjà confrontés à la lutte pour la vie. Vaincre ou mourir.
Ceux qui survivaient croyaient viscéralement à l'importance de la vie...
Le taux de mortalité était, paraît-il, de 95 % durant les dix premières années.
"Lutter" et "résister" sont des mots qu'il faut peut-être purifier de leur contenu historique.
Le combat se situe aujourd'hui surtout contre le nihilisme ou la débâcle des valeurs.
Il existe une mode qui réclame la "tolérance" à tout prix...
Il faut permettre aux hommes de développer au maximum leur potentiel de dynamisme, d'ingéniosité, de caractère, de résistance.
Là encore, bien sûr, une déviation est possible. L'ordre à tout prix engendre le laxisme. Le laxisme engendre l'ordre à tout prix.
Un proverbe latin dit : "La chance est chevelue sur le front et chauve par derrière." En effet, il faut la saisir à l'instant où elle se présente. L'accueillir trop mollement, à retardement, c'est la manquer.
Le problème du mal heurte de plein fouet les consciences des hommes.
Il doit être rappelé cette conviction élémentaire : le mal n'est pas là pour servir de thème à des conversations.
La seule réponse qu'on peut lui opposer consiste à le combattre, lui et ses conséquences.
On parle de la mort massive de certains arbres. On dit : "C'est la synergie de plusieurs facteurs polluants".
De même, pour la mort physique ou spirituelle des humains, il existe une synergie de plusieurs influences mortifères.
Il appartient à tous de prendre part au chantier commun.
Bien des hommes sombrent dans une sorte de prostration lorsqu'ils découvrent d'un seul coup l'horreur du mal.
Le monde moderne n'offre plus les chemins de la méditation aux hommes giflés par l'horreur.