21 février 2014 5 21 /02 /février /2014 02:00
CONSTRUIRE UNE NOUVELLE SOCIÉTÉ







Notre société a évolué de sorte que chacun s’y perçoit d’abord en fonction de son expérience personnelle.

Un bouleversement urgent à prendre en compte


Pour nos contemporains, il est aujourd’hui plus malaisé de vivre en société.

Nous ne vivons plus en société comme avant.

Nous sommes de plus en plus conscients de tout ce qui dépend des autres (interdépendance liée à la globalisation) et, en même temps, nous avons le sentiment, que, malgré l’explosion des nouvelles techniques de l’information, la capacité de communication avec autrui et la connaissance de nous-mêmes s’avèrent de plus en plus opaques.

Nous dépendons davantage des autres, et pourtant, nos expériences sociales sont de plus en plus singulières.

L’homme n’a jamais été aussi connecté aux autres, mais ne s’est jamais senti aussi isolé.

Longtemps, nous avons pensé l’«être-ensemble» au travers des civilisations, des sociétés, des nations, ou des classes. Nous nous interprétions nous-mêmes à partir de ces grandes notions.

Nous étions formés à partir de grandes structures sociales, politiques, spirituelles.
 
Depuis quelques décennies – et cela s’accélère – c’est l’individu qui devient l’horizon liminaire de sa propre perception sociale.

Désormais, la vie ensemble fait sens par rapport à soi, ou alors, elle n’a plus de sens.

Hier, nous avons tout fabriqué autour de la notion de « société », aujourd’hui, c’est à partir de l’expérience de chacun que nous devons la penser. Hier, l’on insérait l’individu dans la société, désormais, il faut comprendre celle-ci à partir des épreuves individuelles.

Pourquoi un tel basculement ?

Parce que l’ensemble des mécanismes structurels donne à nos expériences personnelles un poids déterminant dans notre perception de la vie sociale.

Un exemple : nous vivons dans un vaste marché pour lequel le consommateur individuel devient l’objet central. Il s’agit d’un basculement majeur qui témoigne, pas simplement de l’individualisme, mais d’une véritable singularisation des trajectoires.

Nous nous distinguons comme de plus en plus différents des autres, nous voulons - face à cette globalisation - affirmer davantage notre unicité, et nous percevons de plus en plus le monde à partir de nos expériences personnelles.
 
Cela renvoie chacun à ses difficultés, lorsqu’elles se présentent, par exemple la souffrance et la mort.

La conscience que nous pouvons échouer ou réussir est plus grande aujourd’hui. Nous savons que nous pouvons nous acquitter d’une épreuve et que le résultat n’est jamais joué d’avance. Concrètement, cela signifie que nous avons conscience de pouvoir faire autre chose que ce qui nous est arrivé jusque là dans la vie.

Nous sommes dans une société où quelles que soient les difficultés, la marge d’initiative n’a cessé d’augmenter, malgré les contraintes, réglementations diverses qui paradoxalement y sont ajoutées.

Nous sommes davantage persuadés que nous pouvons trouver des réponses individuelles à des problèmes structurels, et du coup, nous aurons moins tendance à nous engager dans une action de solidarité avec les autres.

Ensuite, nous imaginons ne pouvoir compter que sur nous mêmes. Le résultat, c’est que nous pensons valoir bien plus que la société dans laquelle nous résidons

Que vaut cette perception de nous mêmes ?

Elle est plus ou moins juste selon les deux types de profils : il y a ceux qui savent tout ce qui dans leur vie dépend des autres et des supports qui les aident, et ceux qui vivent un rétrécissement dramatique de ces supports et ne peuvent compter que sur leur énergie personnelle. Les uns et les autres naviguent entre ces deux tendances, en fonction de leur situation sociale, de leur entourage, de leurs ressources.
 
Cela pose la question de la responsabilité de chacun et de la responsabilité collective.
 
Être en responsabilité, c’est assumer ce que l’on fait. La responsabilisation, c’est lorsqu’on me rend responsable de tout ce qui m’arrive. Ce n’est pas la même chose.

Et lorsqu’on est dans un monde dans lequel l’interdépendance des phénomènes est de plus en plus complexe, la responsabilisation détruit les acteurs individuels.

Il est évident que doit se redessiner le rapport entre solidarité collective et responsabilité de l’individu. Cette équation fondatrice de la société industrielle dans laquelle nous avons vécu pendant plus d’un siècle aujourd’hui est en crise.

Ce qui revient à la solidarité collective et ce qui est de l’ordre de la responsabilité individuelle, voilà un des thèmes majeurs du débat politique de la société française aujourd’hui.

Dans ce contexte où la singularité de chacun prime sur tout le reste, il est urgent de faire de nouveau société ensemble.
 
Un des problèmes majeurs, c’est le sentiment que, proches ou lointains, les malheurs des autres ne nous frappent plus. Les éléments sur lesquels on a basé pendant longtemps la solidarité sont en train aujourd’hui de montrer leurs limites.

Il nous reste tout de même à jouer la carte de l’humain, par la conscience accrue de notre commune humanité. La seule manière, donc, de nous rejoindre, c’est d’avoir le sentiment que l’autre vit quelque part des épreuves qui sont semblables aux siennes.

Et c’est par la ressemblance de ces épreuves vécues entre cet autre et soi, même s’il est très dissemblable, que je finirai par être capable de me mettre à sa place, de comprendre ce qu’il vit… et de s’en émouvoir.
 

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20 février 2014 4 20 /02 /février /2014 02:00
LA QUALITÉ DE LA VIE DÉPEND DU SENS QU’ON LUI DÉCOUVRE



                                         


Ma vie a-t-elle un sens ?

Me suffit-il pour vivre de lui donner un sens, quitte à lui en trouver un autre si celui-ci vient à faillir ?

Ne m’est-il pas nécessaire pour vivre pleinement ma réalité humaine de lui trouver son sens, d’aller du même pas dans cette découverte et dans la prise de conscience de celui que je suis et qui, tout à la fois, est en voie de devenir ?


Telles sont les différentes étapes de la question dont l’homme, à mesure qu’il devient plus adulte, entrevoit peu à peu la dimension et la portée, celles qui le concernent en propre.

Avant même qu’il ait pu se poser explicitement cette question, déjà il a pris  position vis-à-vis d’elle par la manière dont il vit. Et c’est par la manière personnelle dont, au long de sa vie, il répondra à cette question, qu’il deviendra lui-même. Il accédera à une originalité qui l’élèvera dans l’ordre de l’irremplaçable, de l’inimitable et de l’unique, du non "numérable", du non "ordinable", de ce qui demeure parce que cela a "été".

Même si cette question n’a pas encore atteint un homme d’une manière qui lui soit perceptible, elle est présente dans sa vie par tout ce qui en prépare secrètement la réponse et qui sous-tend obscurément les motifs et les raisons de ses comportements.

Même si un homme n’a été qu’effleuré par cette question et qu’il en a été vite distrait, repris par les activités professionnelles, les difficultés et les intérêts de chaque jour, la réponse, aussi furtive et tacite qu’il ait pu la donner, influe de façon grande bien que cachée sur le climat de sa vie.

La qualité de son existence en dépend plus qu’on ne saurait dire.

Comment autrement, vécu plus que vivant, conserverait-il au long des années le goût de vivre ?
                                        
Comment, passé le temps du dynamisme propre à la jeunesse, découvrirait-il la "joie d’être", tout autre par sa stabilité de fond que l’euphorie de la santé ou que la satisfaction de la réussite professionnelle ?
                                        
En fait, pour devenir lui-même l’homme a besoin de recevoir de ce qui n’est pas lui.

C’est par l’accueil et l’appropriation de ce qui n’est pas lui que l’homme fait l’approche du sens de sa vie, et s’accomplit par le respect de l’autre et l’intérêt pour l’autre.

En l’absence d’une recherche sur leur propre raison d’être - recherche qui certes n’a pas besoin d’être menée de façon explicite quand on n’en a pas les moyens - beaucoup de vies s’écoulent dans la morosité du non-sens non avoué.

C’est ainsi que nombre d’hommes se trouvent démunis à l’improviste quand sur eux fondent les événements graves et pèsent les situations difficiles que chacun a à rencontrer.

Alors, s’ils n’arrivent pas à se fuir en s’abandonnant à quelque chimère ou en s’étourdissant dans la "distraction" - souvent par activisme - ils connaissent l’effondrement dont nul ne peut les relever, ils s’enferment dans le désespoir dont nul ne peut les sortir.

Combien, soumis aux délabrements et aux dépouillements irréversibles de la vieillesse, et parce que leur passé n’a rien laissé derrière eux pour étayer le fragile goût de vivre qui subsiste, se retranchent dans le mutisme !

N’est-ce pas la seule manière qui leur reste de porter avec une suffisante dignité, eu égard à leurs proches, le tragique d’une vie désormais réduite à l’impuissance, à la charge souvent lourde d’autrui ?

D’une vie à leurs yeux vide encore plus visiblement que jadis, et sans raison !

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19 février 2014 3 19 /02 /février /2014 02:00
BESOIN D'ETRE ET CONSIDÉRATION








   
Le besoin "d'être" correspond au désir le plus fondamental de tout être humain : être reconnu par les autres, être considéré, en un mot, exister.


Ce besoin est certainement celui qui est le plus négligé. S'il y a des mécontents, ce n'est pas toujours parce qu'ils se considèrent comme insuffisamment payés mais parce qu'ils ne se sentent pas suffisamment considérés.

Un syndicat aux Etats-Unis avait provoqué un mouvement de grève avec le slogan : "No more money, more consideration" (Nous ne voulons plus d'argent mais plus de considération). C'est exactement le fond du problème.

Etre considéré, être félicité, être encouragé, savoir que l'on est content du travail fait, sont des besoins fondamentaux propres à chaque individu à quelque niveau que ce soit. Le manque de considération fait autant de mal à un directeur ignoré par son patron qu'à un compagnon oublié dans son atelier.

Pourtant, la considération ne coûte rien et c'est peut-être pour cela qu'elle est si difficile à octroyer. Nous n'en mesurons pas suffisamment l'importance pour les autres, même si nous en ressentons nous-mêmes les effets.

La considération ne descend pas automatiquement en cascade. Dans un système de type directif, avec une succession de grands et petits chefs, chacun veut imposer son autorité.

Au contraire, si le chef considère bien ses subordonnés, s'il les traite d'égal à égal, s'il les consulte, s'il les informe, s'il reconnaît ses erreurs et si tous les intermédiaires jouent le jeu, la considération peut alors descendre jusqu'aux échelons les plus bas.

Considérer quelqu'un, quel qu'il soit, c'est, au minimum, lui dire bonjour, lui parler, le traiter d'égal à  égal. Combien de fois ai-je rencontré de chefs d'entreprise ou de cadres qui traversent un atelier sans s'adresser au personnel, sans même le regarder ? Quelle erreur !

L'amélioration de l'environnement et des conditions de travail contribue à développer ce sentiment car c'est une façon de montrer que le personnel n'est pas oublié et que l'on se préoccupe de lui.

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18 février 2014 2 18 /02 /février /2014 02:00
VIVRE POUR CONSOMMER ?








Le "consommer autrement" ou le "consommer responsable" ont le vent en poupe dans nos sociétés d'abondance.


Aller vers une vie où l'être prime sur l'avoir, opposer le durable à l'éphémère, l'authentique au virtuel, le fondamental au secondaire, revenir, en somme, à l'essentiel : voilà le message que sous-tendent la plupart de nombreuses initiatives.

Au Québec, on citera ce réseau prônant le recours à la "simplicité volontaire" : "une façon de vivre qui cherche à être moins dépendante de l'argent, de la vitesse et moins gourmande des ressources de la planète" .

Depuis Jean Baudrillard, notamment, l'on sait que la consommation n'est pas qu'un acte destiné à combler des besoins, mais représente aussi un lieu d'échanges symboliques : les usagers ne consomment pas seulement des produits, ils achètent tout autant le sens de ces produits, ou leur image, qui, à leurs yeux, peut faire une différence.

La consommation permet aussi - et c'est là tout son attrait moderne - de vivre toutes sortes d'"expériences", surtout émotionnelles ; tout bon responsable marketing sait ainsi que notre vie est désormais faite d'une multitude d’ « expériences de consommation ». Achat après achat, dit-on, celles-ci pourraient même construire une identité.

Le sociologue Zygmunt Bauman a perçu lui aussi ce changement de paradigme : "Alors que les philosophes, les poètes et les moralistes du passé se demandaient si l'on travaille pour vivre ou si l'on vit pour travailler, le dilemme qui préoccupe nos contemporains se formule le plus souvent ainsi : doit-on consommer pour vivre ou vivre pour consommer ?"

Cela paraît si vrai qu'avant d'acheter on souhaiterait pouvoir garder en tête la formule d'André Gide qui voulait que "l'importance soit dans (notre) regard, et non dans la chose regardée" !


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17 février 2014 1 17 /02 /février /2014 02:00
CHANGER








Peut-on changer ? Bien sûr, en vieillissant, le visage prend des rides, le corps se transforme. Mais change-t-on vraiment ?


Des psychologues répondraient peut-être par la négative. Tout au plus parvient-on à changer son regard sur le monde, sur les autres, sur soi-même. D'autres, au contraire, estimeraient qu'il faut justement savoir parfois changer pour rester soi-même.

Changer pour rester soi-même ?

Rester soi-même pour assumer le changement ?

La rhétorique stigmatise en fait une problématique dynamique, une question de repères sur lesquels s'accorder dans un monde où tout bouge, imperceptiblement.

A y voir de plus près, la présente volonté de changement traduirait moins l'aspiration à un monde nouveau qu'un profond désir d'adaptation à ce monde déjà nouveau.

Un monde nouveau, dont on peut  constater les innombrables mutations sociologiques en cours tendant à un univers particulièrement confusionnel : modifications des perceptions du temps, des espaces, du rapport à la vérité, aux émotions, au réel...

A l'heure où d'autres changements sont convoqués dans nos consciences (climatiques, par réchauffement de la planète ; sociaux, par conscience de la pauvreté massive ; biologiques, par atteinte à la biodiversité ; culturels, par aplanissement mondialisé des civilisations), un recentrage prioritaire sur l'humain aurait quelque chose d'un changement salutaire.

Auquel on souscrirait volontiers, dès à présent.

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16 février 2014 7 16 /02 /février /2014 02:00
ETRE SOI, RIEN QUE SOI, AU RISQUE DU NON-SENS





 

L’exigence moderne d’autonomie ne cesse de se radicaliser.

Dans les sociétés traditionnelles, la loi était reçue du dehors : des ancêtres, d’un ordre naturel…

Au sein des sociétés modernes, les hommes se perçoivent comme créateurs des lois qui les gouvernent.

Les autorités imposées par la tradition ont, dans un premier temps, laissé place à de nouvelles autorités, considérées comme œuvres des hommes et choisies par eux, au présent.

L’évolution, cependant, s’est poursuivie, et dans une seconde phase il semble que l’enjeu soit devenu non tant de choisir et de personnaliser son adhésion à une Autorité avec un grand A, dont on serait partie prenante, que de se déprendre de toute adhésion de cette nature afin d’être soi, rien que soi.

Ce processus d’émancipation a gagné, depuis plusieurs décennies, l’éducation. Ce n’est plus seulement le citoyen adulte qui doit être autonome, mais l’individu, dès l’enfance.

À chacun de construire le rapport au monde qui lui convient.

Quel sens, alors, donner à l’existence? La réalisation personnelle.

Mais qu’est-ce que «se réaliser» ?

Sommes-nous des surhommes qui, chacun pour son compte, élaborons et posons nos valeurs? Non.

Les valeurs, le sens, ne sont pas des affaires individuelles. Un sens qui ne vaudrait que pour soi n’en est pas un.

Dès lors, confronté à l’injonction d’être soi, chacun en est réduit à composer, à essayer de donner une touche personnelle à ce que la société, à un moment donné, indique comme désirable, ou, à l’inverse, à tenter de raccrocher vaille que vaille ce à quoi il aspire à ce que d’autres peuvent également estimer.

Pris entre l’obligation de réalisation personnelle, et l’impossibilité d’y parvenir sans un sens partagé, nous nous efforçons de tirer notre épingle du jeu, de «surfer» au mieux sur la vague du monde – oscillant entre un contentement fébrile quand nous y parvenons, et la dépression, mal d’époque, qui nous happe quand nous perdons l’équilibre et sommes pris dans le rouleau.

Pascal l’a fait remarquer : « L’erreur n’est pas le contraire de la vérité, mais l’oubli de la vérité contraire.»

La question n’est donc pas de sacrifier la liberté individuelle à des exigences sociales, ou réciproquement, mais de comprendre qu’un ensemble cohérent de valeurs collectivement assumées est la condition d’un épanouissement personnel.

Ce n’est pas parce qu’elle était nostalgique du passé, ou allergique au progrès, qu’Hannah Arendt a écrit que « le conservatisme, pris au sens de conservation, est l’essence même de l’éducation » . C’est qu’elle mesurait qu’une existence humaine n’a de sens qu’inscrite dans une continuité historique, et que la première tâche de l’éducation est d’introduire les nouveaux venus dans un monde commun, partagé avec nos contemporains, nos prédécesseurs et ceux qui nous suivront.

On objectera que le conservatisme, dans l’éducation, bridera la créativité et empêchera la nouveauté. Il se pourrait que le contraire soit vrai : les enfants naissent aujourd’hui très semblables à ce qu’ils étaient au paléolithique. Laissés à eux-mêmes, ils ne seront pas spontanément ces merveilles d’esprit créatif, scientifique et démocratique que certains se plaisent à imaginer : personne ne réinvente pour son propre compte les trésors que l’humanité a eu tant de peine à accumuler.

Sans transmission du capital accumulé, la spontanéité ne conduira pas à la nouveauté et à la concorde, mais à un retour au plus archaïque, où l’individu est entièrement soumis à la tyrannie du groupe. Ou comment en arriver, par générosité, à des effets contraires à ceux escomptés.

C’est une figure d’époque : des principes qui, en voulant toujours mieux se réaliser, en viennent à saper ce qui rend leur réalisation possible. Comme la colombe qui, sentant en volant la résistance de l’air, s’imagine qu’elle volerait encore mieux dans le vide. Mais avant de la freiner, l’air la porte.

 

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15 février 2014 6 15 /02 /février /2014 02:00

PETITE ANTHROPOLOGIE DE LA SOCIÉTÉ FRANCAISE (5)


Vous trouverez ci-dessous une synthèse des articles que j’ai déjà publiés sur notre société contemporaine, sur le monde qui nous entoure.

Ce monde qui se présente comme un grand chantier, ce monde où se mettent en application les découvertes des sciences, les progrès de la civilisation, ce monde est incapable de rendre l’homme vraiment heureux.

Autour de nous, de nombreuses personnes se plaignent de plus en plus de mal-être, de souffrance, d’épuisement.

L’origine de ce malaise vient que nous nous reposons pour résoudre nos difficultés sur nos propres forces. Comme si on pouvait à soi seul, faire face à l’immensité de sa tâche.

Il me semble également qu’aujourd’hui, c’est le sentiment de n’être pas reconnus, de n’être comptés pour rien qui fait désespérer beaucoup de gens.

Dans cette anthropologie de la société française, nous tenterons d’analyser les causes de ce malaise.

Certains articles peuvent paraître redondants, mais ils ont été rédigés sur un an, en fonction de l’actualité : le lecteur voudra bien me pardonner.


UNE SOCIETE DE LIBERTE ?


Il faut inverser nos jugements sur la société libérale. Jamais sans doute autant qu’aujourd’hui, la société française n’a été aussi impérative.

Naguère de bons esprits ironisaient sur la tradition et ses contraintes. Il serait facile de retourner aujourd’hui le compliment sur le mode d’une liste sans fin d’obligations nouvelles : vaccinations, ceinture de sécurité, assurance automobile, passage piétons, mutuelle, prélèvements...

Chacun pourra compléter cette liste, sans omettre d’y ajouter les contrôles de plus en plus drastiques sur le tabac, l’alcool...

A côté de tous ces impératifs, la société de la tradition avec tous ses interdits fera bientôt figure de paradis de la liberté individuelle.

Parce qu’ils sont nés à la jointure de deux époques, les Français qui avaient vingt ans en 1968 ont eu l’impression qu’ils inventaient la liberté. Mais celui ou celle qui a écrit sur les murs de Paris, à cette époque là, « Il est interdit d’interdire » n’avait sans doute pas pensé que son slogan avait un corollaire.

Aussi étonnant qu’il paraisse, voici ce corollaire inévitable : « Il va donc devenir obligatoire d’obliger ! »

C’est à ce point que nous sommes parvenus.

La société  a cru jeter ses interdits aux orties.

En réalité, elle n’a fait que multiplier et renforcer les obligations.

En particulier les obligations de performance, notamment économique.

Nous n’avons pas vraiment gagné au change.

Nous sommes en train de créer un monde où rien ne sera permis, hormis ce qui sera obligatoire.

Il est assez piquant de noter cette contradiction de notre société : c’est la modernité qui nous impose toutes ces obligations, sous couvert de liberté.

Pourquoi les individus qui, paraît-il, font ce qui leur plaît, veulent tous les mêmes jeans, les mêmes baskets, les mêmes lessives, les mêmes voitures, en un mot « les mêmes choses » ?

Nous allons tous dans les mêmes magasins acheter les mêmes produits.

Comment ne voit-on pas que cette société, prétendument libérale, a réussi a créer chez tous les assujettis à ses lois un unique réflexe : « Il faut faire comme tout le monde ! » Tous les Parents qui ont à discuter avec des adolescents savent bien le poids de ces impératifs de la mode.

Tous les témoignages, sur ce point, concordent. S’il est vrai que naguère il fallait beaucoup de personnalité pour oser se démarquer de l’ordre qui régnait, il en faut aujourd’hui beaucoup plus à des jeunes pour oser affirmer des idées personnelles.

Tout se passe comme si l’effacement des interdits antérieurs avait laissé place à la condamnation muette, mais terriblement plus efficace, envers ceux qui ne se résolvent pas à penser comme tout le monde.

Le conformisme plat fait la loi, au rythme des effets de mode véhiculés par les médias. 

L’homme moderne vit en surface de lui-même, de plus en plus délibérément, comme dans une fuite en avant.

Il prône des idéaux extérieurs, des comportements superficiels ou narcissiques, une existence dénuée de sens profond, où le factice devient souverain, où le temps n’est plus vécu qu’au présent, mais en aliénation au passé ou au futur, où le dernier gadget à la mode devient idole.

Sa santé, elle-même, malgré les prodigieuses avancées de la médecine, se détériore, au plan moral et psychologique en tout cas, puisqu’apparaissent de nouveaux troubles générés par l’évolution d’une société fébrile et craintive, toujours plus individualiste et angoissée.

Les médecins sont de plus en plus confrontés aux symptômes dit noogènes, c’est à dire ayant pour origine l’esprit humain. Autrement dit, le déclin du sens de l’existence, la confusion intérieure, le manque de confiance en autrui et en soi-même, la perte du respect de la vie et de la personne humaine engendrent des maux de tout genre que la meilleure médecine aurait bien du mal à soigner efficacement.

L’homme moderne qui fonde son existence sur la recherche, lucide ou non, d’un intérêt individuel, égocentrique, est atteint d’une espèce de « syndrome d’irréalité », lequel n’a jamais été décrit par la psychiatrie moderne, mais dont les effets sont redoutables, déprimants, voire destructeurs pour la santé.

L’homme moderne, de plus en plus, fait de sa vie un but en soi, et son existence devient égocentrique, fermée sur elle-même. D’où une perte de tous repères, un émoussement du sens de la vérité et du sens de l’homme.

L’homme moderne devient beaucoup plus vulnérable, plus fragile qu’il ne l’était il y a quelques années. Cette considération ne vise pas que la santé physique mais également psychique.

La société qui nous est proposée est une société de gens biens policés, qui ne commettent pas d’excès, sont en bonne santé, cherchent en permanence à s’améliorer, qui achètent les mêmes produits dans les mêmes magasins, qui regardent tous la télévision à 20h...

L’individu n’est plus considéré comme une histoire, mais comme un stock de ressources, une micro-entreprise à gérer.

Cette société met en avant le culte de la performance, du « toujours plus haut, plus vite, plus fort ». Et qui n’admet plus le manque, la défaillance, la souffrance, bref, tout ce qui fait le tragique de la condition humaine, mais aussi sa grandeur.

Se demander tous les matins : « Suis-je heureux ? Suis-je en bonne santé ? Est-ce que je progresse ? Suis-je reconnu ? » est-ce le signe d’une bonne santé psychologique ? Cette obsession du bonheur n’est-elle pas au contraire un symptôme d’aliénation ?

La société qui nous entoure est tentée par la satisfaction immédiate du désir qui l’habite, dans la possession des choses ; elle est tentée de se refermer sur ce qu’elle a, au risque d’être possédée par ce qu’elle possède. Elle est tentée par la puissance, le prestige. 

La société renvoie l’individu à lui même, le rendant seul responsable de sa vie, partant de l’idée que quand on veut, on peut. Elle ne permet pas de s’accepter tel qu’on est, avec ses limites, ses angoisses, ses manques et ses contradictions.

Résultat : si l’individu ne parvient pas à atteindre l’objectif assigné, à gérer son stress, à vaincre ses addictions..., il en concevra de la culpabilité ou un profond sentiment d’insuffisance et d’épuisement.





EN CONCLUSION : UNE MONTEE DU MAL ETRE


On observe la montée d’un mal-être dans notre société :

· Nous sommes les champions de l’Europe - sinon du monde - en matière de consommation de médicaments neurotropes ( antidépresseurs, anxiolytiques, somnifères....)

· Une certaine dureté accrue de la société traduit une perte de sens du bien et du mal : impolitesse généralisée, violence qui augmente…

· Une solitude croissante des personnes : divorces en augmentation, personnes âgées seules, SDF plus nombreux.

· Un recul devant l’engagement : malgré l’augmentation du temps libre, difficulté de recruter des bénévoles pour les associations et organisations qui s’essoufflent.


N’oublions pas que c’est ce mal-être que nous retrouvons dans nos entreprises et dont nous devons tenir compte dans le management de nos équipes.

Nous ne pouvons en faire l’impasse.

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14 février 2014 5 14 /02 /février /2014 02:00

PETITE ANTHROPOLOGIE DE LA SOCIÉTÉ FRANCAISE (4)


Vous trouverez ci-dessous une synthèse des articles que j’ai déjà publiés sur notre société contemporaine, sur le monde qui nous entoure.

Ce monde qui se présente comme un grand chantier, ce monde où se mettent en application les découvertes des sciences, les progrès de la civilisation, ce monde est incapable de rendre l’homme vraiment heureux.

Autour de nous, de nombreuses personnes se plaignent de plus en plus de mal-être, de souffrance, d’épuisement.

L’origine de ce malaise vient que nous nous reposons pour résoudre nos difficultés sur nos propres forces. Comme si on pouvait à soi seul, faire face à l’immensité de sa tâche.

Il me semble également qu’aujourd’hui, c’est le sentiment de n’être pas reconnus, de n’être comptés pour rien qui fait désespérer beaucoup de gens.

Dans cette anthropologie de la société française, nous tenterons d’analyser les causes de ce malaise.

Certains articles peuvent paraître redondants, mais ils ont été rédigés sur un an, en fonction de l’actualité : le lecteur voudra bien me pardonner.


DES REVOLUTIONS EN COURS


Mondialisation, révolution informatique et surtout révolution génétique provoquent un bouleversement idéologique nous plongeant dans un monde impensé, immaîtrisé, qui tend à effacer les frontières qui délimitent l’humanité.

Observons les ruptures que représentent les découvertes de la génétique, la marchandisation de tout, Internet, la mondialisation libérale en cours ; les menaces qui pèsent sur l’homme, sur la vie, sur la planète, du fait qu’un nouvel homme, ou une nouvelle conception de l’homme, est en train de naître sous la poussée des sciences, des techniques, de la mondialisation.

· La mondialisation de l’économie modifie les anciennes régulations nationales et sociales ;

· Le triomphe du numérique et de la cyberculture nous précipite dans un univers virtuel plus étrange encore (et plus inconnu) que ne pouvait l’être, jadis l’Amérique des découvreurs du nouveau monde ;

· Plus radicalement encore, la révolution génétique - qui ne fait que commencer - bouleverse les rapports que l’homme entretenait avec lui-même. C’est sur sa propre identité, sur l’espèce et ce qu’il y a d’humain en chacun, qu’il peut intervenir.




UNE RUPTURE EN COURS


Dans la société actuelle, française, européennes, mondiale, quel est l’homme que nous croisons aujourd’hui et que nous sommes nous-mêmes ?

Quels sont les aspects marquants de sa mentalité, en quoi est-il différent de l’homme des générations précédentes, de quelles tendances faits aujourd’hui et demain ?

De quoi sont faits des hommes et des femmes en grand nombre, surtout dans les jeunes générations, les moins de cinquante ans, les quadragénaires, trentenaires, jeunes adultes, mais aussi adolescents lycéens et collégiens ?

Une de réponses est : notre époque est celle d’hommes post-modernes, ou plutôt hypermodernes, engagés dans des processus radicaux d’individualisme.

Dans les années 60, les révoltes de la jeunesse étudiante, et comme point culminant Mai 68 en France, l’ont probablement annoncé malgré leur vocabulaire inspiré de Marx , de Freud et de Nietzsche, c’est-à-dire des gens du XIX° siècle : nous sommes à partir de là insensiblement, quoique bruyamment, entrés dans une nouvelle période, qu’on appelle parfois la post-modernité, ou l’hyper-modernité.

Comme toujours, une série d’avancée techniques est venue créer, appuyer, accélérer le mouvement : primat des classes moyennes et accès du très grand nombre à la consommation de masse - télévision, automobile... pour tous, puis moyens de communication de l’informatique jusqu’à Internet ; sexualité de plus en plus séparée de la procréation grâce à de nouveaux moyens contraceptifs, aux découvertes de la génétique ; allongement considérable de la durée de vie ; victoire du libéralisme économique contre l’économie dirigée, puis dans la foulée la mondialisation libérale ....

Progressivement, une rupture « mentale », dans les têtes, s’est confirmée : et c’est entre autres une rupture avec les « qualités » ou les valeurs du citoyen et de la personne de l’époque antérieure, pour faire place aux aspirations d’individus marqués par ces événements et ces nouveautés. 

Il y a de nombreuses façons de dire cette rupture.

En France, on parle de l’avènement et du triomphe de l’individu ou de l’individualisme, de l’avènement de la société des individus.

Dans les pays anglo-saxons, en Allemagne surtout, on entend parler des « sociétés de la satisfaction immédiate » ; le sociologue américain Christopher Lasch a insisté (dans le Complexe de Narcisse) sur des sociétés où domine le « complexe de Narcissse », le narcissisme.

Les signes extérieurs de ce passage s’appellent : volonté de personnalisation de sa vie, d’affirmation de son soi, réussir sa vie en devenant soi, surtout dans la sphère privée et affective, en vivant selon ses propres normes et ses propres choix - des choix permis par la multiplicité des possibilités offertes dans la société de la consommation de masse.

Un des effets de cet intérêt pour soi est la crise profonde des engagements collectifs et durables, également la fin des projets de transformation sociale.

La vie entière est vécue largement selon un modèle consumériste ; il y a une forte perte ou refus de la mémoire historique, une rupture ouverte ou silencieuse, en tout cas très rapide, avec les symboles et les repères du passé, avec la culture des générations qui nous ont précédés, une sorte de « perte de la mémoire » historique pas seulement chez les jeunes, mais aussi chez les adultes.

Les institutions, les lois, la politique sont fortement désenchantées, quand elles ne sont pas ressenties comme injustes, comme des cadres contraignants dont on ne voit plus le sens.

Quelles sont les causes et les conséquences de cette nouvelle donne, qui constitue une vrai rupture philosophique et anthropologique ?


1.  Le rôle du corps


 Le primat du corps domine la vie sociale 

En réalité, ce n’est pas seulement de « primat du corps » qu’il faut parler, c’est d’une véritable identification de la vie au corps : « L’individu est le corps et le corps est l’individu ».

Le soi ou le moi existe à travers ses sensations corporelles, son image corporelle, son apparence corporelle. D’où l’attention extrême à l’apparence, « obsession de l’apparence » et donc aussi une culture de l’apparence, qui évidemment à son tour n’est pas étrangère à notre culture des images.

Autre conséquence évidente, dans la même ligne, mais immense par la fonction qu’elle joue : la promotion infinie de la question de la santé.

La santé n’a plus de limites. Elle est un droit absolu. Il devient impossible d’accepter la souffrance, la dégradation, la mort même dès lors qu’est établie une superposition entre le corps et l’identité. C’est un souci d’autant plus fort qu’il s’accompagne de l’idée que le corps n’a qu’une vie, et qu’il ne faut pas la rater, ou plutôt qu’il faut la réussir, « il faut profiter ».

Le souci du salut individuel dans l’au-delà a été remplacé par une projection de soi dans l’ici-bas, un peu comme si du plan vertical on était passé au plan horizontal.

Il n’y a certes rien à redire sur la volonté de réussir sa vie singulière, unique, mais il y a une obsession de la réussite, de la rentabilité du corps pour ainsi dire, qui rend difficile sinon insupportable les échecs, les contradictions, le temps qui passe.

Mais, avec un tel primat du corps physique, on ne s’étonne pas que les parties du corps - les organes - deviennent à leur tour l’objet d’enjeux importants.

Tant qu’il est question du don d’organes, on parle d’un don ou d’un abandon volontaire de soi ou d’une partie de soi (encore que l’entourage du donneur parle souvent moins du don que du sentiment de survie de l’être cher qui a disparu). Mais le trafic d’organes, donc l’exploitation du corps des autres ou de parties de leur corps, n’est pas loin. Il prend une nouvelle dimension, ou devient une nouvelle tentation. En tout cas c’est quelque chose à quoi on doit s’attendre, et qui trouvera sans peine ses justifications au nom, probablement, de la générosité... marchandisée.


2. La perception du temps

Au temps de l’individualisme, le temps dominant dans les têtes, c’est le présent sans durée, sans épaisseur, le présent sans avant ni après, le présent sans mémoire et sans espérance, la nette propension à ignorer le passé et un grand manque de confiance en l’avenir, la perte du « goût de l’avenir ».

On pourrait donner de nombreux exemples des conséquences pratiques de cette primauté du présent : l’amnésie générale de nos sociétés, la versatilité de l’opinion, l’importance des émotions qui emportent toute distance, toute réflexion, tout recul.

Cette perte de la mémoire qui fait que pour les nouvelles générations, disons les moins de quarante ans, tout ce qui est dit, tout ce qui est montré, tout ce qui est vécu n’a aucun contexte, aucun point de comparaison, aucun barème de jugement.

Du point de vue de ses manifestations, une des marques de ce « présentéisme », comme on l’appelle, en est aussi la propension à la fête permanente, au divertissement permanent - c’est-à-dire en somme ce qui permet d’intensifier le temps présent, fût-ce de façon artificielle, et d’oublier qu’il y a d’autres dimensions de la vie - qu’il y a toujours un avant, un après, une dimension collective, en fait tout simplement une vie humaine relationnelle, une vie de paroles, d’échanges, de signes et de symboles.


Le temps chaotique, jonché de réunions, de modifications, de retards, de délais, de reproches, rarement de remerciements. Nous vivons une époque marquée par l’accélération du temps. Le rapport au temps est un vrai problème.

Nous sommes dans la culture du zapping, tout le temps dans le mouvement, avec de plus en plus de difficulté pour se focaliser sur quelque chose.

3.  La fatigue d’être soi

Chacun cherche le bonheur, la joie d’être et de vivre.

Chacun souhaite être plus, vivre mieux, être reconnu, être aimé. Ce n’est pas seulement dans la logique de l’individualisme contemporain : les hommes, depuis toujours, ont aspiré à cela.

Qu’est-ce qui fait tout de même que notre époque manifeste là aussi une sorte de nouveauté inédite ?

C’est que le souci de soi est poussé jusqu’à la rupture avec soi, jusqu’à une sorte de stade de rupture psychologique avec un temps antérieur.

En effet, une des conséquences importantes de ce souci de soi, ce sont les troubles de l’identité : être soi, oui, mais qu’est-ce que c’est qu’être soi ? Comment devient-on soi ? A quel prix ? Puisque par définition chacun doit faire son chemin vers soi, personne ne peut vraiment vous dire ce chemin, vous indiquer la route.

Dans ce contexte, bien entendu, les marchands de méthodes pour être bien avec soi même, bien dans son corps, ne manquent pas.

D’innombrables guides, gourous, psy de tous poils proposent des méthodes pour y arriver, des plus antiques aux plus modernes.

Plus subtilement, cela a changé le sens de l’éducation parentale, scolaire, sociale : les enfants, les jeunes doivent aussi « devenir soi », ils ont des virtualités qui doivent s’épanouir. Il ne s’agit pas de dire du dehors ce qu’ils doivent être ou devenir ; on comprend que toute discipline un peu ferme apparaisse comme un autoritarisme insupportable.

Mais du côté de l’individu, ces efforts, cette difficulté d’être soi, se paient : la grande maladie psy de notre époque, c’est la dépression, qui est avant tout une maladie de l’identité, une difficulté de l’être soi ou plutôt du non être-soi, du « être mal dans sa peau », du « ne pas être soi » ou « chez soi ».

Le sociologue Alain Ehrenberg a parlé de la « fatigue d’être soi », M. Gauchet d’individus « épuisés » par cette quête d’eux-mêmes.

Lipovetsky (Les temps hypermodernes, Grasset, 2004) écrit :

« D’un côté, plus que jamais, les individus prennent soin de leur corps, sont obsédés d’hygiène et de santé, obéissent aux prescriptions médicales et sanitaires. D’un autre côté prolifèrent les pathologies individuelles, l’anarchie des comportements ».

Quand on dit dépression, ce n’est pas  cette maladie qui plonge ceux qui en sont atteints dans la prostration, le mutisme, l’arrêt des relations avec autrui. Il s’agit plutôt de ces personnes, hommes ou femmes, que nous rencontrons tous, qui sont chroniquement tristes, abattus, qui n’ont pas le moral, qui sont incertains, indécis, anxieux, insomniaques, avec des moments d’exaltation, d’enthousiasme, avant de replonger dans leur morosité et leur impuissance, paralysés qu’ils sont par rapport à des décisions à prendre, à des actions à entreprendre, au travail à faire, aux responsabilités à affronter...

Pensons à ce sujet à l’importance immense des anti-dépressifs dans nos sociétés.

Pourquoi cette rupture qui s’est produit dans les troubles psychologiques ?

Aujourd’hui les psychologues sont partout, des premiers moments de la vie à la vieillesse. Une quantité innombrable d’enfants, aujourd’hui, voient un « psy » ; dès qu’un enfant est en difficulté quelconque, même purement scolaire, on va voir un psy ; des « cellules d’aide psychologique » sont mises en place pour toutes sortes d’accidents de la vie, y compris des accidents qui font partie de la vie ordinaire depuis toujours.

Qu’est-ce qui s’est passé ?

On est passé durant ces 30-40 dernières années à ce nouveau trouble psychologique : la dépression.

Dans une société où les structures d’autorité sont affaiblies, domine la figure du déprimé.

Avant - avant notre époque de la dépression - de quoi souffrait-on principalement ?

De la « névrose ». Le névrosé, c’est quelqu’un qui culpabilise par rapport à la Loi, à l’interdit, ou qui n’arrive pas à trouver la bonne distance avec ça.

Quand dominait la loi - la loi du père, la loi de l’instituteur, du gendarme, du curé - dominait donc la figure du névrosé, de celles et ceux qui ne se sentaient pas « à la hauteur », qui n’y arrivaient pas, donc devaient se démettre ou se rebeller ; ou au contraire qui y arrivaient tellement bien à obéir à la loi et à la loi qu’ils en étaient insupportables pour les autres.

C’était le temps des personnalités autoritaires et des personnalités soumises.

Le déprimé, lui, n’est plus confronté à la loi et aux exigences de la discipline : il est au contraire souvent, aujourd’hui, confronté à l’absence de loi, donc à sa propre responsabilité pour devenir lui-même ; il est confronté à son narcissisme, il a l’impression de ne pas y arriver, mais il n’a personne à accuser sinon lui-même, sa propre impuissance. Tout est possible, mais lui il est ou se sent insuffisant.

Si on transpose cette idée sur le plan collectif, sur celui des appartenances par exemple, ce ne sont plus des individus isolés qui cherchent leur identité, mais des groupes, des individus agglutinés ; le règne de l’individualisme, c’est aussi, à peine paradoxalement, le temps des tribus, du communautarisme, des sectes, du fondamentalisme, de l’intolérance, qui s’opposent au flux, à l’incertitude, au relativisme généralisé. Et les groupes ou les tribus expriment parfois avec violence leurs frustration.

La globalisation libérale, c’est en même temps l’universalisation de l’individu, y compris de l’individu virtuel, mais aussi le retour des nationalismes crispés, des identités collectives affirmées avec violence, du retour des traditions communautaires fermées.

A la différence, à l’éclatement, correspond, parfois avec violence, l’affirmation de l’identité, de l’égalité, le goût du semblable.

Ce n’est pas que le souci d’autrui soit absent, mais l’ « altruisme » n’a pas bonne presse s’il est le fait de quelqu’un qui est mal dans sa peau, qui ne respire pas la joie de vivre.

L’altruisme est facilement vécu sur le mode de l’émotion relayée par les médias (de l’émotion pour les victimes de catastrophes), donc aussi sur le mode de la ponctualité, de l’exception. L’altruisme est en partie « organisé ».

4.  Qu’est-ce qui reste vrai, qu’est-ce qui reste faux dans cette société ? Est-ce qu’il y a des choses vraies, des choses fausses, du vrai et du faux qui valent universellement et pour tous ?

Disons qu’il reste des valeurs : les droits de l’homme, la tolérance, le refus de la souffrance, l’enfance, un altruisme, la dignité.

En même temps, quand on regarde de près ces valeurs, on se rend compte qu’elles sont encore retravaillées dans le même sens. Les droits de l’homme, c’est, dans les sociétés où ils existent, le droit d’être différent, et des droits pour les différences, l’égalité pour le différent ; il y a une confusion très forte entre droits de l’homme et droits nouveaux des individus.

La tolérance, c’est la tolérance de faire ce que je veux et de respecter tout ce que fait autrui ; le refus de la souffrance, c’est le droit de mourir dans la dignité (« Je souhaite qu’on garde une belle image de moi »), de faire ce que je veux avec ma vie.

Il reste aussi des engagements, des solidarités, mais souvent ponctuels, limités à un temps de la vie et limités dans le temps qu’on leur accorde.

Il reste du mal et du bien, du beau et du laid, mais il faudrait là aussi voir comment ils sont retravaillés par l’individualisme post-moderne.

En fait, ce n’est plus la distinction du vrai et du faux qui commande les choix, les comportements, les actions, mais celle de l’authentique et de l’inauthentique, du sincère et de l’hypocrite.

Est admiré celui ou celle qui vit en conformité avec ses convictions, en sincérité avec lui-même, et non pas celle ou celui qui obéit à une loi.

Est courageux celui qui a la sincérité de dire ses convictions, même celles qui sont scandaleuses, inédites, insupportables à entendre. Au nom de la sincérité il est possible de tout dire, de tout écrire, même si ce n’est pas nécessairement approuvé.

C’est la force de la subjectivité qui fait loi. Ce qui fait loi pour le temps vécu, c’est le présent, le moment présent, l’intensité du moment présent.

C’est pourquoi il n’est pas non plus contradictoire de vivre des sincérités successives, des fidélités successives.

C’est pourquoi aussi la fête ponctuelle, mais intense, est importante. Ce sont ces moments qui font la valeur de la vie, et non pas les projets inscrits dans une durée, une régularité, une patience des semailles et des récoltes.

La vérité est inscrite aujourd’hui sous le régime ou le registre de la relativité, du virtuel, des apparences et du fugitif.

Les hommes d’aujourd’hui ne sont pas pire ou « moins bien » que ceux d’hier ; il y a de l’ivraie et du bon grain comme toujours, et nous avons du mal à le discerner.

Les dangers pour l’homme et pour la nature humaine, c’est l’homme qui les crée.

Mais le bien qui est créé, c’est encore l’homme qui en est l’origine.

Que faire pour construire des personnalités assez libres et critiques pour affronter les défis ?

Les défis, c’est normal : les hommes ont toujours vécu avec des défis à relever. Mais il faut être inquiet - devant la faiblesse spirituelle, culturelle, mémoriale, symbolique, des femmes et des hommes qui doivent relever les défis d’aujourd’hui.

C’est l’ « âme désarmée » qui inquiète, et non pas le corps tout-puissant.

La pensée moderne fait de l’homme le sujet de son histoire. L’homme se pense par rapport à lui-même.

Par exemple, Descartes fait table rase de la pensée philosophique antérieure. Pour la rendre plus performante, il privilégie la raison et son mode propre d’analyser, de synthétiser, de clarifier en distinguant, et il la soustrait à toute soumission à un ordre supérieur.

Cette philosophie moderne, toute égocentrique, est donc accompagnée d’une anthropologie pensant la nature humaine comme complète, suffisante, autonome, indépendante à l’égard de tout ordre supérieur.

L’homme est seul sujet de sa pensée et de sa conduite morale.

Solitude de l’homme.

L’homme est à lui même sa norme. Il définit sa normalité. Aucun devoir ne lui est imposé par des lois dites naturelles. Il rejette toute pensée de soumission ou d’obéissance. La liberté est un absolu qui consiste à se libérer de tout déterminisme et de toute raison, pour se créer soi-même enfin libre.

Les sciences physiques et biologiques ont réalisé, avec la technique appliquée, une libération de beaucoup de contingences naturelles dans le travail et la vie courante.

Les sciences humaines - que beaucoup ignorent - donnent un outil pour penser l’homme par rapport à lui-même. La pensée est alors celle de la phénoménologie qui, par méthode, met la transcendance hors circuit. Elle ne cherche plus l’essence des choses, ni les causes au delà du sensible, et cela laisse l’esprit insatisfait.

Désormais la vie prime sur la pensée, l’expérience personnelle ou le vécu, sur l’enseignement reçu.

L’histoire a perdu sa profondeur ; la durée a perdu ses certitudes et n’est plus source de sagesse ; le présent est aplati à l’instant.

Paradoxalement, le monde artificiel, dans lequel nous vivons, libère sans aucun doute de très nombreuses contraintes naturelles et il apparaît, dans un premier temps, salutaire. Mais il invente de nouvelles contraintes par de multiples réglementations.    
   
Le type de développement actuel privilégie l’essor matériel et l’instantané.

Par ailleurs, puisque la loi n’est plus celle, absolue et universelle, d’un ordre supérieur, la conscience individuelle n’est plus réglée par une vérité objective, mais livrée à sa seule sincérité subjective. Or celle-ci ne libère pas. Elle laisse l’inquiétude de tout ce qui est transitoire.

Ce qui est vrai aujourd’hui ne le sera pas demain. A quoi bon s’engager dans ce qui n’est pas sûr ?

Cette subjectivité sans transcendance favorise une hypertrophie du «  moi » qui est le seul repère central de la pensée et de l’activité. Ce « moi » pathologique, que l’on rencontre tous les jours, n’a pas de bien supérieur à préférer à la satisfaction instantanée.

Ainsi la loi et ses représentants, les institutions, la hiérarchie n’ont plus désormais qu’une valeur relative et utilitaire.

La modernité est encore tiraillée par une autre contradiction. Chacun est amené à suivre l’organisation de la vie quotidienne, des transports, des services publics, des loisirs « imposés ». En opposition à cette massification se développe l’individualisme le plus extrême.

Ces conditions nouvelles de la modernité ajoutent au malaise intellectuel un certain malaise existentiel. Celui-ci est lié à l’isolement provoqué par la suppression des proximités naturelles.

Il vient aussi de l’impression d’insignifiance et d’inexistence que l’on a lorsque l’information des médias confronte la vie individuelle à la mondialité des problèmes.

L’individu n’existe pour personne.

Ce monde est de plus en plus adapté aux forts et aux durs.

Enfin, sans le secours d’aucune transcendance, chacun est invité à se penser seul, et cela est redoutable pour ceux dont la fragilité psychologique est latente.

Qui est capable de surcroît de conscience ?

Par manque d’être, on se rattrape avec avidité sur l’avoir.
 
Ne nous étonnons pas si, malgré tout le confort et le progrès apportés par la modernité, le mal-être métaphysique engendre tant de dépressifs, de désespérés, de drogués, de suicidaires, parmi ceux dont la psychologie est fragilisée.

Le matériel est poussé à ses extrêmes, dans l’excès, dans l’accumulation. Se défaire de la frénésie d’achats qui nous entoure, des publicités qui tentent de nous réduire à notre fibre consommatrice, de ce façonnage par le matériel. La standardisation des objets familiers envahit le milieu humain.

D’un bout à l’autre de la planète, les hommes tendent à s’habiller, à se nourrir, à se loger, à chercher leurs plaisirs, à vivre et à mourir de la même façon mécanique.

La civilisation moderne, qui ne sait plus ce qu’est l’homme, qui ne propose plus aux hommes de « bien faire l’homme », qui est amputé de toute finalité, est essentiellement une civilisation de moyens, une civilisation technique. Ce n’est plus la fin qui fait surgir les moyens. Ce sont les moyens qui sont eux-mêmes la fin poursuivie.

L’avoir a remplacé l’être.

Jamais les connaissances du monde et de l’homme n’ont été plus diverses et plus nombreuses, jamais la connaissance du monde et de l’homme n’a été plus falote et plus pauvre.

D’un côté, d’immenses moyens, une technique incomparable, une connaissance des détails poussés jusqu'à l’infini ; de l’autre une absence quasi radicale de finalité humaine, un silence prodigieux sur la question fondamentale : « où allons - nous ? »

C’est le vertigineux développement des biens matériels qui nous somme aujourd’hui de retrouver notre finalité essentielle.

Le besoin de paraître. Quoi ! Je n’existe plus, je suis compté pour rien, mais c’est scandaleux ! Nos pères n’éprouvaient guère la hantise de chercher quelle était leur place dans le monde. Ils l’occupaient tout simplement.

Le visage sombre de l’absence aux autres, du mépris rencontré et qui nous a meurtri, de l’indifférence, des individualismes, des manques d’attention à ce que nous faisons et à ce que nous sommes.

L’arbitraire. Dans notre société où l’individu pense qu’il revient à chacun de décider ce qui est vrai et bon pour soi, le règne de l’arbitraire s’est installé dans la multiplication d’individualités.

L’individualisme est destructeur de la conception commune de l’homme.

Et tant de désespoir. Tant de colères. Tant d’impasses. Les ténèbres des vies qui trébuchent.

Notre siècle est celui des « mécontents ». Ce n’est pas seulement de son sort, économique, politique ou social, que l’homme moderne est impatient, mais de lui-même et de son sort humain. De même qu’il repousse le bonheur, il refuse sa nature d’homme. Il se révolte contre soi, contre son contenu, contre ses limites.
 

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13 février 2014 4 13 /02 /février /2014 02:00


PETITE ANTHROPOLOGIE DE LA SOCIÉTÉ FRANCAISE (3)


Vous trouverez ci-dessous une synthèse des articles que j’ai déjà publiés sur notre société contemporaine, sur le monde qui nous entoure.

Ce monde qui se présente comme un grand chantier, ce monde où se mettent en application les découvertes des sciences, les progrès de la civilisation, ce monde est incapable de rendre l’homme vraiment heureux.

Autour de nous, de nombreuses personnes se plaignent de plus en plus de mal-être, de souffrance, d’épuisement.

L’origine de ce malaise vient que nous nous reposons pour résoudre nos difficultés sur nos propres forces. Comme si on pouvait à soi seul, faire face à l’immensité de sa tâche.

Il me semble également qu’aujourd’hui, c’est le sentiment de n’être pas reconnus, de n’être comptés pour rien qui fait désespérer beaucoup de gens.

Dans cette anthropologie de la société française, nous tenterons d’analyser les causes de ce malaise.

Certains articles peuvent paraître redondants, mais ils ont été rédigés sur un an, en fonction de l’actualité : le lecteur voudra bien me pardonner.


LA CRISE DE L’AUTORITE


La crise de l’autorité traverse aujourd’hui l’ensemble de notre société.

Ce qui est en cause avec l’autorité, c’est la question de la transmission et de sa légitimité. Il faut que la personne qui exerce l’autorité soit légitime. Aujourd’hui, le pouvoir légitime n’est plus soutenu par une instance extérieure, qu’elle soit institutionnelle ou sociale.

L’individu moderne s’inspire et s’alimente du désir d’auto-construction.

Il construit son propre sens.

Nous assistons à un processus extrême d’individualisation.

L’idée moderne est de considérer maintenant le sens reçu comme un sens qui enferme.

Or, la Tradition a montré combien il est possible à la fois de recevoir et de créer dans bien des domaines de la vie.

La modernité est de considérer comme antinomique le fait de recevoir et de créer.

Quand on se construit en ne cherchant à ne recevoir de rien, on est très seul, ce qui peut mener à une vie de souffrance.

La liberté cultivée dans l’hédonisme cache souvent une angoisse très présente.

Le constat semble impitoyable : l’autorité s’effondre partout, et notamment dans notre monde développé. Crise profonde qui éclate au grand jour dans les institutions politiques, l’école, la justice.. Elle vient même se nicher jusque dans la famille, dont le modèle hérité a connu ces dernières décennies de nombreux chambardements. A vrai dire, partout où les hommes vivent ensemble, la rupture est là, manifeste.

1. Mais qu’est-ce que l’autorité ?

L’autorité n’est pas à confondre avec le pouvoir ou avec la contrainte, elle n’est pas  « tout ce qui fait obéir les gens ».

L’autorité n’ordonne pas, elle conseille, elle guide, elle oriente. Il ne faut pas la confondre avec l’ordre : l’ordre peut régner sans autorité, la coercition lui suffit.

L’éloge de la toute puissance de la volonté et de la liberté de l’individu, le règne moderne de la subjectivité s’accommodent mal des figures d’autorité.

L’autorité est le pouvoir d’obtenir, sans recours à la contrainte, un certain comportement de la part de ceux qui lui sont soumis.

L’autorité c’est la capacité d’obtenir l’obéissance sans recourir à la force.

L’exercice de l’autorité suppose un consentement de celui sur qui elle s’exerce, donc, de sa part, une reconnaissance de la personne dont émane l’autorité. L’autorité implique donc une relation librement consentie. Elle rejette la contrainte, la pression, l’intimidation ou la menace. Tout se passe comme s’il y avait, dans l’autorité, un caractère naturel, une forme d’évidence.

L’autorité, du latin auctoritas, se rattache par sa racine au même groupe qu’augere (augmenter). L’autorité est donc le moyen de « tirer vers le haut », de « tirer le meilleur de chacun ».

Cela suppose la confiance. Une confiance qui ne peut naître que d’une certaine crédibilité. En conclusion, celui qui exerce l’autorité doit  non seulement avoir la compétence technique, mais détenir l’épaisseur morale, l’intériorité nécessaires à cet exercice. L’autorité ne se confond pas avec le pouvoir. Une autorité qui n’est pas reconnue n’est pas une autorité. L’autorité n’est pas réductible à une technique, elle se construit chaque jour.

L’autorité est indispensable à la vie en société et doit jouer son rôle de lien, notamment entre les générations.

2.  Mais comment a évolué l’autorité ?

La crise de l’autorité est venue de 2 renversements :

L’homme de la tradition recevait le sens.

Avec le siècle des Lumières, naît un individu libre de penser seul - ce qui est un bien - mais aussi libre de contester la coutume, les anciens, les croyances collectives. Ce qui faisait le lien social s’étiole, en même temps qu’est brisée l’idée d’une continuité. C’est à l’avenir, et non plus au passé, à la tradition qu’il faut se référer. Ce premier renversement n’a pas été sans trouble.

Ce premier renversement est accentué avec la crise mai 1968. La société française s’engage dans la « seconde révolution française » : individualisme, égalité des sexes, remise en question des institutions : Etat, famille.., contestation des instances qui donnaient le sens, libéralisation des moeurs...

La conscience moderne aspire, plus que jamais, à la liberté de penser, à l’autonomie de l’agir ; elle a le goût de la concertation et de la co-responsabilité.  La croyance dans le progrès s’est installée, et a fait son œuvre pendant quelques temps. La crise de l’autorité est venue avec l’élévation du niveau de connaissance de la population. Les gens sont désireux de mieux connaître les règles qui vont s’imposer à eux. Cette plus grande maturité est  un phénomène positif. Il y a parallèlement, et c’est plus inquiétant, l’érosion de la solidarité nationale, une crispation des différents groupes sociaux sur leurs petits avantages acquis. On ne peut qu’être préoccupé par cet égoïsme, ce scepticisme, cette pensée désabusée, refusant les réformes et ne retrouvant aujourd’hui un semblant d’unité que pour descendre dans la rue. 


Deuxième renversement avec la crise récente et à la panne du désir d’avenir. Les gens désormais ne croient plus aux bienfaits de la modernité.

Avec la mondialisation, la crise profonde des systèmes d’éducation, le sida, la pollution, le sang contaminé, la vache folle, les catastrophes climatiques.... se dissipe l’illusion que les progrès scientifiques parviendraient pour l’essentiel à améliorer la condition humaine.

Le scientisme du 19ème siècle s’effondre.

La crise des idéologies (chute du mur de Berlin), la crise des raisons de vivre créent l’homme de la relativité et de l’incertitude.

Alors, sur quoi fonder l’autorité, quand ont disparu à la fois la nécessité de la continuité et la confiance dans l’avenir ?     

La crise centrale de l’autorité aujourd’hui n’est pas tant l’absence de l’autorité elle-même que la multiplication des autorités rivales. La confusion guette et l’autorité revient sous une forme dévoyée : l’autoritarisme.



LA CRISE DES POUVOIRS


Dans notre société, c’est la fonction symbolique du pouvoir comme pôle de référence assumant des orientations et des choix clairs, permettant à chacun de se situer, qui est mise en cause.

N’ayant plus de vis-à-vis solide auquel il puisse faire face, ni de collectif intermédiaire protecteur, nos contemporains sont placés dans des situations paradoxales : ils sont renvoyés à eux-mêmes et rendus responsables de la réussite ou de l’échec d’orientations confuses, souvent incohérentes et mal assumées.

Le collectif se délite et les rapports sociaux dégénèrent en rapports
«  interindividuels » où le face-à-face ne parvient plus à se distancier et à se réguler en référence à une instance tierce permettant un désinvestissement salutaire.

Sont ainsi créées des conditions favorables à l’expression débridée des affects et des pulsions. D’où l’origine de la violence que l’on voit monter autour de nous.

Ce qu’on dénomme le « mal-être » est révélateur de cette « psychologisation » des rapports sociaux, symptomatique d’une crise des pouvoirs et des institutions qui ont de plus en plus de mal à assumer leur rôle. Et les thérapies en tout genre forment une sorte d’infirmerie sociale et d’accompagnement à cette crise dont nous n’avons pas fini de subir les effets.

Les difficultés actuelles du management sont révélatrices de ce phénomène qui engendre un mal-être existentiel et social que la croissance économique ne pourra pas, à elle seule, dissiper.


LA CRISE DE LA FAMILLE


Aujourd’hui, plus de 40% des naissances sont extra-conjugales.

En vingt ans, le nombre de mariages a baissé de 45% alors que celui des enfants vivant dans un foyer monoparental a augmenté de 63%.

Le divorce, concerne aujourd’hui près d’un mariage sur deux.

La première conséquence de cet état de fait est l’affaiblissement du rôle du père, pourtant indispensable à la construction de la personne, avec tous les dangers que comportent l’indifférenciation des statuts et la perte des repères identitaires, notamment l’autorité et l’obéissance.

L’enfant est devenu l’objet de toutes les sollicitudes au point que cette surprotection le prive du sens du réel et de l’épreuve qui l’incitera à prendre sa vie en mains.

Et, paradoxalement, à l’opposé du désir affiché par le législateur de ne pas s’immiscer dans la vie du couple, du désir de l’individu de vivre libre et sans contrainte, on assiste en réalité à une véritable judiciarisation des relations familiales. Chaque année, en cas de séparation des parents, le sort de près de 20% des enfants dépendent des juges !

On ne mesure pas assez les évolutions qui se passent sous nos yeux : la famille de demain ressemblera de moins en moins au modèle « papa - maman - enfants ».

Voué à disparaître ce schéma sera remplacé par des foyers recomposés, parfois plusieurs fois. Le couple lui-même ne suivra plus une norme fixée par la bonne morale ou par une exigence sociale et religieuse.

Chacun fera ce qui sera bon pour sa personne.

On trouvera des ménages stables mais ne partageant pas le même toit, ou d’autres vivant dans le même appartement mais de manière très indépendante, avec d’avantage de sphères d’autonomie. Finis, le lit conjugal, la baignoire commune. Ils prendront même de moins en moins leurs repas ensemble, chacun ayant à cœur de s’adonner à ses activités personnelles ou professionnelles.

Cette individualisation croissante ne va pas aller sans heurts. Alors qu’ils sont de plus en plus stressés par leur avenir, les enfants trouveront moins de réconfort et de repères dans ces familles à géométrie variable, ce qui risque de les fragiliser.

La nouvelle organisation des foyers influera aussi sur l’ensemble de la vie sociale : chacun voudra se construire son propre univers, la société va se fragmenter. Les individus auront besoin de se regrouper en microcommunautés autour de leurs passions personnelles.

Paradoxalement, pour éviter de vivre dans ne société totalement atomisée, nos jeunes seront de plus en plus en quête d’un bien-être personnel.  


LA CRISE DE L’EDUCATION


Des collèges jésuites du XVIè siècle aux lycées de la IIIè République, c’est l’enseignement qui a assuré la transmission du patrimoine culturel et la pérennité des valeurs morales qui fondaient le lien social.

Or, dans les années 1960, l’enseignement a subi de plein fouet les effets de l’esprit du temps et d’un nouveau conformisme, l’impact d’une critique radicale par une école sociologique qui a détruit la confiance de la société et sapé l’estime que les enseignants avaient pour leur métier. Ils pensaient travailler à la démocratisation et pour la promotion sociale ; on les assurait qu’ils concouraient à la reproduction d’une caste. Ils s’imaginaient diffuser des valeurs universelles : on leur démontraient qu’ils entretenaient des idées qui perpétuaient la domination d’une classe ; l‘institution s’en est trouvée délégitimée.

Avec ce doute sur l’universalité, nous touchons sans doute à la racine même de la crise qui affecte les valeurs sur lesquelles se fonde la cohésion du corps social ; si ces valeurs n’étaient que celles d’une classe sociale ou d’une civilisation particulière, sur quoi édifier un socle commun ?

Un mélange de suspicion et d’esprit critique fait aujourd’hui le fond de l’esprit public et règle toutes nos relations, par exemple avec la politique. Il n’encourage guère le citoyen à sacrifier ses aises, son confort à l’intérêt général ou à des valeurs réputées supérieures.


UNE SOCIETE EN PANNE DE TRANSMISSION


Ce que les Arrières Grands Parents ont transmis aux Grands Parents, ce que les Grands Parents ont transmis aux Parents, les Parents ne le transmettent plus à leurs enfants.

Nous vivons une fracture historique.

Les plus grandes difficultés rencontrées dans notre Société ne viennent pas seulement des « accidents » de la vie familiale : familles éclatées, enfants dispersés... Elles viennent aussi de nos inhibitions qui nous font redouter d’« influencer » les jeunes dans leur liberté personnelle.

Nous croyons que le silence sur les valeurs que nous avons reçues, manifeste un plus grand respect de la liberté. Nous oublions aussi combien ce silence, augmenté du silence sur les repères moraux de la vie, conditionne des jeunes libertés plus qu’une parole authentique.

Alors que beaucoup de Parents sont soucieux, jusqu'à l’anxiété, d’équiper le mieux possible leurs enfants pour l’avenir, ils prennent un peu vite leur parti de ce qui constitue la meilleure chance de réussir leur vie.

Ils choisissent de ne pas leur faire découvrir :

· Qui fonde la dignité de la personne humaine  

· Ou est la source du vrai Bonheur

Nous ne pouvons transmettre que ce que nous avons reçu.

Quel drame pour les générations futures ! !

Quelle lourde responsabilité pour notre génération ! !


LA CRISE DU LOGEMENT


Ils poussent par paquets de quinze ou vingt, ces lotissements de maisonnettes.

Chacun chez soi, dans son domaine qui parfois n’excède pas les six cents mètres carrés. Les villes s’éclatent partout, en mille et mille miettes de maisons sans génie, de façades et de toitures sans lien avec le goût ancestral des contrées où elles poussent comme du chiendent.

C’est la France ni urbaine, ni rurale, annonciatrice des temps futurs d’une nation où le rêve commun est de constituer des donjons mentaux derrière les haies de thuyas d’où s’échappent les nuages des barbecues et, dès onze heures du matin, les effluves d’apéritif.

Une France du claquemuré. Le prix des logements qui devient hors de portée et aussi l’insécurité des quartiers populaires ont fait fuir vers ce qu’ils croient être la campagne des millions de Français.

Ils ne demandent rien à personne, sauf au banquier d’être souple pour le remboursement de prêts excessifs. Ces habitants, on ne les voit pas : partis tôt le matin, enfermés le soir. Le jardinet est l’unique patrie, la commune une adresse, l’école un dû, la télévision le lien avec le monde extérieur. On ne les voit pas se promener.

A vingt heures plus personne ne bouge.

Ces villages, qui n’en sont plus, vont transformer la France en une Amérique pauvre et sans repères. 


Parmi les difficultés que rencontrent les familles, le logement est sûrement un problème majeur.

Notre pays connaît aujourd’hui une crise profonde du logement.

Son coût conduit trop de familles à un éloignement de leurs lieux de travail, source d’épuisement et de déstructuration. L’accès à la propriété reste souvent un rêve inaccessible.

Les logements sociaux sont trop peu nombreux, pas toujours habités par ceux qui y auraient droit ou alors isolés dans des quartiers sans mixité sociale.

La séparation des couples et la recomposition des familles augmentent les besoins.

Au-delà des difficultés techniques considérables pour résoudre cette question, le logement doit être, pour l’État, une priorité politique essentielle.

Il n’existe pas de bonne économie sans le respect des personnes et le logement est une priorité.

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12 février 2014 3 12 /02 /février /2014 02:00

PETITE ANTHROPOLOGIE DE LA SOCIÉTÉ FRANCAISE (2)



Vous trouverez ci-dessous une synthèse des articles que j’ai déjà publiés sur notre société contemporaine, sur le monde qui nous entoure.


Ce monde qui se présente comme un grand chantier, ce monde où se mettent en application les découvertes des sciences, les progrès de la civilisation, ce monde est incapable de rendre l’homme vraiment heureux.

Autour de nous, de nombreuses personnes se plaignent de plus en plus de mal-être, de souffrance, d’épuisement.

L’origine de ce malaise vient que nous nous reposons pour résoudre nos difficultés sur nos propres forces. Comme si on pouvait à soi seul, faire face à l’immensité de sa tâche.

Il me semble également qu’aujourd’hui, c’est le sentiment de n’être pas reconnus, de n’être comptés pour rien qui fait désespérer beaucoup de gens.

Dans cette anthropologie de la société française, nous tenterons d’analyser les causes de ce malaise.

Certains articles peuvent paraître redondants, mais ils ont été rédigés sur un an, en fonction de l’actualité : le lecteur voudra bien me pardonner.

L’ENVAHISSEMENT DE LA TELEVISION


La télévision absorbe trois heures de notre temps, en moyenne par jour. Ce qui veut dire que sur une vie entière, on passe plus de temps à regarder la télévision qu’à travailler ! 

Dans cette masse d’images reçues, quels critères sont proposés pour permettre de discerner ce qui tient et ce qui ne tient pas ? Entre ce  qui, sous tous les changements, demeure ?

Comment raison garder et comment aussi, peu à peu, se former une personnalité, avoir une structure, un fondement, alors que nous subissons une hiérarchie déterminée par autrui ?

Cela retentit sur toute notre personnalité, qui est ainsi conditionnée et nous donne de notre société une image floue, évanescente, fluctuante, sans repères moraux.

Nous sont proposées des sources d’idolâtrie, où l’avoir prime sur l’être.

Les termes de « grille » et de « chaîne » en disent longs sur la relation entre le téléspectateur et son petit écran.

Le zapping est devenu un tic qui s’applique à tous les moments de la vie. L’homme du XXIème siècle va de plus en plus vite, parce qu’il est pathologiquement impatient de consommer autre chose. On ouvre la télévision :  nous sommes dans un monde de bruit perpétuel, où le silence est considéré comme pauvre, vide et triste.

Ce système ne repose que sur la convoitise, sur l’exposition de besoins artificiels, sur l’envie de biens matériels qui ne servent à rien. Il exploite le désir et exhibe la richesse de plus en plus obscène au nez des pauvres.

Ce système supprime toutes les valeurs. Il ne reste plus que la consommation : naissez, consommez et mourez ! La consommation signifie « consumation » de soi-même. D’où cette violence, cette solitude. Notre mode de vie confine au suicide doré.

Le temps passé devant la télévision laisse songeur. Ce spectacle permanent d’images forme maintenant la pensée.

La télévision est devenue l’opium du peuple et les magazines people une presse triomphante. L’impudeur moderne consiste à dévoiler la part intime des personnes, transformant l’individu en spectacle.

La télévision est la nouvelle religion païenne.

Aujourd’hui, les familles se rassemblent pour le journal télévisé de 20 heures, la « grande messe » de l’information, avec un « grand prêtre », le présentateur, pour la célébrer. Et ce journal se déroule selon un rite bien défini, le fil conducteur, qui est l’équivalent de la « liturgie ».

La télévision a ses « saints », les stars à qui le public s’adresse pour intercéder en faveur de telle ou telle cause. Et quand des animateurs ou grandes figures des médias sont renvoyés ou jetés du jour au lendemain comme un Kleenex, on parle d’ « excommunication » !

Dans le texte de Karl Marx sur la religion, remplacez le mot « religion » par celui de « télévision » et vous verrez que le texte ne perd rien de sa cohérence et se termine par « la télévision est l’opium du peuple ».

Il faut admettre que, désormais, ce n’est plus la religion qui structure la société, lui donne sa cohésion, mais la télévision.

La « télévision–religion » devient aussi le lieu des confessions intimes.

C’est l’escalade du « toujours plus ». Toujours plus d’images et de confidences dévoilant la vie intime des personnes ! Toujours plus d’images de violences, de guerres ! Il fut un temps où les responsables des chaînes veillaient à ce que les émissions susceptibles de choquer soient diffusées à des heures où les enfants ne sont plus à la table familiale.

Aujourd’hui plus aucune retenue n’est observée. Sur fond de concurrence, c’est à qui ira le plus loin, à qui sera le premier.

Les chaînes se donnent comme alibi que les spectateurs ont un petit penchant pour le voyeurisme et en demandent toujours plus. La preuve,  les magazines people sont la seule presse dont le tirage augmente : 18 millions de lecteurs en 2005.

Un public voyeur et exhibitionniste. Ceux qui, d’eux-mêmes, viennent exposer à la télévision leurs situations ou difficultés de vie se livrent à un dégradant strip-tease.

Leur attitude en dit long sur l’état de notre société.

Ce qui fait exister, c’est le regard des autres.
Dès lors que ces personnes n’ont pas, ou plus, le sentiment d’être regardées, d’être reconnues, choisies, de compter pour quelqu’un, elles vont tenter de se montrer à la
télévision.

Ce qui supplée l’anonymat, le regard humain, c’est donc le regard électronique de la caméra. Contre le sentiment de non-être, le fait d’être vu à la télé donne une sorte de surcroît d’existence. Passer à la télé, c’est pénétrer dans le saint des saints, lieu de légitimation suprême, qui équivaut à une consécration.


La part la plus intime de la personne humaine est révélée chaque jour dans un nombre de plus en plus grand d’émissions et de journaux.

On ne compte plus les « confessions publiques » qui mettent les gens en compétition au nom d’une prétendue télé-réalité. Témoins ces émissions comme « L’île de la tentation » ou « On a changé de maman », et bien d’autres.

Ceux qui acceptent de se dévoiler le font sans doute en confiance, avec l’espoir de réaliser un rêve, de recevoir une aide psychologique ou affective. Mais ce qui intéresse les producteurs et les animateurs, c’est que la personne se raconte avec un luxe de détails intimes.

Après, quand on ne sort pas du lot, qui va recoller les morceaux ? La griserie est de courte durée. Ceux qui se prêtent à ces jeux du cirque sont les gladiateurs des temps modernes.

Mesure-t-on les conséquences d’un tel dévoilement, les blessures subies ? Comment, après les feux de la rampe, retourner sans dommage à l’anonymat ?
Sait-on si un accompagnement psychologique est prévu ?

Au nom de la dictature de l’audience, peut-on tout se permettre ?

La part intime de l’individu n’est pas un sujet de divertissement. Or la télévision, par sa nature même, fait de tout un spectacle. Oui, il y a une industrie de l’intimité, fondée sur le profit, gangrène de la société quand il en est le critère déterminant.

L’information aussi devient spectacle. Elle mélange de plus en plus information et divertissement.

Dès lors que l’information est traitée comme un produit, il faut la vendre, l’habiller pour qu’elle soit consommable. Alors, on repasse en boucle, comme de bons produits, les mêmes images de guerres, de tortures, de violences, « de coup de boule ».

Comment se construit - ou plutôt se détruit - le téléspectateur, soumis chaque jour aux images de violence, aux aspects les plus noirs, les plus pervers de la nature humaine ?

Ne trouve-t-on pas là une des causes de la plus grande fragilité de nos contemporains, lorsqu’ils rencontrent une difficulté dans leur vie personnelle ou professionnelle ?

Après le meurtre d’une jeune fille, une équipe de télévision enregistre les aveux des auteurs présumés du crime et annonce aux parents la découverte du corps de leur fille.

Sans doute y a-t-il des téléphages pour apprécier ce type d’information, mais faut-il s’aligner sur ce qu’attendent les téléspectateurs pour le leur donner ?

On peur faire de l’information, du divertissement et avoir le souci, en même temps, d’élever les centres d’intérêt de ceux qui regardent.

Il y a quand même un droit à l’information et un devoir d’informer.

Evidemment, il faut montrer les guerres, les tortures, les catastrophes. C’est la réalité du monde, on ne peut ni ne doit la cacher. Il faut donner à voir pour permettre la prise de conscience, au besoin susciter la révolte, provoquer des réactions devant ce qui est intolérable.

Mais montrer quand ? Comment ? A qui ? C’est la question.

Est-il souhaitable qu’un enfant se trouve brutalement confronté à des images de violence telles qu’elles sont diffusées chaque soir au journal télévisé pour lequel il n’y a pas la signalétique moins de 10 ans, moins 12, moins 16, moins 18 ?

Le droit à l’information est inaliénable, mais faut-il pour autant tout dire, tout montrer, à n’importe quelle heure et à n’importe quel public. Le débat sur les limites au devoir d’informer est difficile : qui va les fixer et comment ?

Le droit à l’information, il ne faut pas y toucher, mais ceux qui portent la responsabilité d’informer s’interrogent.

Il n’y a pas que le scoop comme référence.

Alors quelle alternative ?

Soit on fait appel à la conscience personnelle, en pensant que chacun est en mesure de voir jusqu’où on peut aller.

Soit on se retourne vers le législateur, mais on entend déjà les protestations, justifiées, d’ailleurs : atteinte à la liberté d’expression, censure ! Ce n’était pas mieux autrefois au temps de l’ORTF et d’une information encadrée. Mais qu’on ne vienne pas nous dire que la télévision aujourd’hui est libre.

Elle s’est libérée de la tutelle politique pour s’emprisonner sous le joug de la tutelle de l’audimat.

Est-elle davantage libre ?




UNE SOCIETE OU SE DEVELOPPE LA VIOLENCE


La violence est l’un des grands maux de notre société. Par la télévision, elle rentre dans tous les foyers : l’homme fort est l’homme qui tue, voilà ce qui est proposé à nos enfants.

Dans ce monde, source de bien de souffrances, qui se laisse polariser par des idoles - argent, pouvoir, plaisirs -, et qui trop souvent n’a qu’indifférence ou mépris pour les vraies questions - justice, solidarité.., le mal c’est de se laisser prendre par cette ambiance et de ne pas la dénoncer.

Nous vivons dans un monde pollué et cela nous marque ; notre jugement est obscurci, notre volonté rendue hésitante. Nous devenons une humanité affaiblie.


UNE SOCIETE QUI DEVELOPPE L’INDIVIDUALISME


Des lames de fond marquent actuellement notre culture : l’individualisme, la recherche du bonheur personnel, le bouleversement des structures familiales...
Ces mouvements nous arrivent porteurs de questions éthiques redoutables qui mettent en cause le visage élaboré par des siècles de civilisation.


Bien des gens aujourd'hui ne se sentent plus coupables à l'égard d'une norme morale - le goût du travail bien fait, par exemple - mais à l'égard des objectifs qu'ils se sont eux-mêmes fixés. On est humilié de ne pas être à la hauteur, de ne pas être reconnu.

La reconnaissance, un des plus grands maux de notre société !

Le problème est que l'homme n'est jamais un absolu, il est toujours relatif, contingent.

Le projet mené par l'homme de manière autonome dans le but d'une pure affirmation de soi dans l'instant est voué à un échec d'autant plus grave que l'individu s'y trouve identifié à son projet. L'échec du projet entraîne l'effondrement du sujet. Nous connaissons tous des situations où certains se sont complètement effondrés car leurs projets aboutissaient à des échecs, parce qu'ils s'étaient totalement investis, identifiés à la réussite personnelle et non collective vers laquelle ils courraient.

Nous sommes dans une société très compétitive, plus mobile, plus violente. Faire ce que l’on attend de nous ne suffit plus. Il faut sans cesse prouver qu’on a de la valeur et nous sommes jugés sur notre réussite. Les pressions sociales sont multiples, mais résident dans trois grandes priorités :

· apparence : obsession de la jeunesse...
· performance : tout maîtriser dans tous les domaines
· abondance : posséder les objets et signes de statut qui - nous le croyons - nous rendent estimables aux yeux des autres (la place de parking ! !).

La banalisation actuelle de l’incivilité est révélatrice de l’effacement d’un consensus qui disciplinait les énergies et les soumettait au respect des règles unanimement acceptées. C’est la satisfaction des aspirations personnelles qui est aujourd’hui un impératif catégorique. Ce renversement de la hiérarchie des normes remet en question l’appartenance à une collectivité et menace le lien social.

Ce mouvement présente la libération des moeurs comme un progrès et fait de l’affranchissement des contraintes de la morale traditionnelle le test de la modernité.

Au cours des années 1960 (1968 ?), s’est produite une sorte de cassure dans la transmission de l’héritage : tout un patrimoine de souvenirs historiques, de références littéraires, de convictions, d’habitudes de vie, qui passait de génération en génération et qui tissait entre elles une continuité, est soudain devenu comme une langue étrangère ou une langue morte. 

La sacralisation de la modernité et, corrélativement, la disqualification qui frappe ipso facto tout ce qui est tradition ; le seul fait de qualifier de traditionnel, par exemple, le mariage suffit à le relativiser et à le rendre obsolète. Sans qu’on songe jamais à s’interroger sur les raisons objectives qui justifieraient la supériorité présumée de l’innovation sur la fidélité aux usages.

Toute une philosophie moderne (ou plutôt une sagesse des modernes ou des post-modernes) est bien accordée à la mentalité actuelle du « souci de soi » individualiste, qui conjugue la vie au présent.

En fait, il s’agit d’une très ancienne tradition philosophique, d’une véritable galaxie, déjà présente en Grèce et dans la philosophie hellénistique (dans le stoïcisme et l’épicurisme), au temps de la Renaissance (Montaigne).

Au XIX° siècle, ce sont Schopenhauer, Goethe et aussi Nietzsche qui représentent cette tendance, qui a actuellement le vent en poupe.

Les sagesses de l’Asie sont tout à fait dans cette ligne. Il n’est donc pas étonnant que beaucoup de ces philosophes ou de ces sages soient toujours très lus, et que des penseurs qui s’inscrivent dans ce courant, comme André Comte - Sponville et quelques autres, connaissent un grand succès.

L’opposition dominante ici n’est pas, comme dans la tradition philosophique, entre le « vrai » et le « faux », entre l’ « illusion » (les préjugés) et la « lucidité » (= les Lumières).

On est sur un autre terrain, celui de la sagesse vécue, de la vie consolée, du bonheur expérimenté. Il s’agit ici de la vie la meilleure, de la plus grande « qualité de la vie », de la bonne mesure convenant à chacun pour mener sa vie.

On ne discute pas ici de ce qu’il est vrai et juste de penser, mais de ce qu’il faut vivre, ou de ce qu’il faut faire pour être heureux.

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Relations Humaines

"La grandeur d'un métier est peut-être avant tout, d'unir les Hommes.

Il n'est qu'un luxe véritable et c'est celui des Relations Humaines.

En travaillant pour les seuls biens matériels, nous batissons nous-mêmes notre prison, avec notre monnaie de cendre qui ne procure rien qui vaille de vivre."


                                                                                                                                       Antoine de Saint- Exupéry 

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SPINOZA : JUSTICE
TEILHARD DE CHARDIN : APPARITION DE L’HOMME
TEILHARD DE CHARDIN : AVENIR
TEILHARD DE CHARDIN : DÉFI A LA PENSÉE
TEILHARD DE CHARDIN : DÉSORDRE
TEILHARD DE CHARDIN : EFFORT
TEILHARD DE CHARDIN : LE MONDE SE CONSTRUIT
TEILHARD DE CHARDIN : MANTEAU D’HUMANITÉ
TEILHARD DE CHARDIN : MONDE STUPIDE
TEILHARD DE CHARDIN : OEUVRE
TEILHARD DE CHARDIN : PAIX
TEILHARD DE CHARDIN : PRENDRE DE LA HAUTEUR
TEILHARD DE CHARDIN : RÉFLEXIONS SUR LA CRISE
TEILHARD DE CHARDIN : RÉUSSITE
TEILHARD DE CHARDIN : SOUFFRANCE
TEILHARD DE CHARDIN : VALEUR ABSOLUE
TEILHARD DE CHARDIN : VIE FONTALE
TEILHARD DE CHARDIN : VISION DU MONDE
TEILHARD DE CHARDIN : VIVE LA VIE !
TEILHARD DE CHARDIN : VOLONTÉ DE VIVRE
THEODORE MONOD
THÉODORE MONOD : LE PROPRE DE L’HUMAIN
THEODORT MONOD : DÉSERT 
THOMAS D’AQUIN
THOMAS D’AQUIN : ÉQUITÉ
THOMAS HOBBES : RIRE
THOMAS JEFFERSON : UN VISIONNAIRE !
THOMAS MANN : BONHEUR
TOCQUEVILLE : RELATIVISME
TOLSTOÏ : FORMER SA RAISON
VOLTAIRE : CUPIDITÉ ET ORGUEIL
YVES CONGAR : ESPRIT POSSESSIF