REPENSER LE TRAVAIL
Assumer un rapport de faible à faible
Les nouvelles contraintes qui s’imposent à l’entreprise, les évolutions des organisations et des modes de gestion qui en découlent, concernent bien évidemment toutes les catégories de salariés.
Il n’en reste pas moins que, pour les cadres, les conséquences sont particulièrement importantes.
Eux qui, auparavant, constituaient un groupe à part, se trouvent banalisés.
Paradoxalement, alors que les organisations sont plus plates, ils se sentent souvent plus proches de leurs collaborateurs – employés, ouvriers – que de leurs dirigeants.
Le malaise est d’autant plus fort qu’ils ont le sentiment de disposer de marges de manœuvre de plus en plus restreintes.
La montée des exigences de rentabilité et de qualité s’accompagne d’une rationalisation et d’une uniformisation des pratiques qui les privent d’une grande part d’autonomie.
Les fameuses normes « Iso » ont fait tant de dégâts : plus elles se développent, plus la qualité se dégrade !
Par ailleurs, les évolutions à conduire sont souvent des réponses aux demandes des marchés financiers qui, par définition, sont loin des réalités du métier vécues sur le terrain et exposent les cadres à la perte de sens et à l’incompréhension de leurs subordonnés.
Dans le même temps, l’entreprise tente de les responsabiliser plus fortement.
Longtemps les cadres ont été un « groupe social » caractérisé par un statut commun et disposant d’avantages particuliers.
Ils sont devenus progressivement des « managers ».
Aujourd’hui, l’entreprise souhaite en faire des « leaders », des meneurs d’hommes fortement impliqués, capables de mobiliser plus intensément leurs collaborateurs.
Dans un contexte où les cadres ont le sentiment d’être de plus en plus éloignés des cercles de décision, un tel discours appartient au registre de l’incantation.
De fait, un cadre sur deux n’est pas capable de dire si les changements engagés par son entreprise vont dans la bonne ou la mauvaise direction.
Le malaise rencontré chez bien des cadres, actuellement, est le résultat de cette position intenable : apporter du sens à des collaborateurs, en sachant que l’entreprise elle-même n’est pas en mesure d’en produire. Pourquoi ?
Parce que les dirigeants n’ont plus les moyens d’éclairer l’avenir de façon satisfaisante, ni par conséquent de tracer une trajectoire.
Leurs décisions, qui répondent à des préoccupations auxquelles les salariés n’ont pas accès, peuvent paraître incompréhensibles et injustes à des collaborateurs qui n’ont pas démérité.
Dans le meilleur des cas, pour éviter de ‘surpromettre’, ils se taisent.
Si la position des salariés est fragile, celle des dirigeants l’est tout autant.
Or, il ne peut y avoir de confiance dans un contrat de faible à faible, car chacun des deux acteurs sait que l’autre sera, à un moment donné, défaillant.
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