Le constat semble impitoyable : l’autorité s’effondre partout, et notamment dans notre monde développé. Crise profonde qui éclate au grand jour dans les institutions politiques, l’école, la justice.. Elle vient même se nicher jusque dans la famille, dont le modèle hérité a connu ces dernières décennies de nombreux chambardements. A vrai dire, partout où les hommes vivent ensemble, la rupture est là, manifeste.
1. Mais qu’est-ce que l’autorité ?
L’autorité n’est pas à confondre avec le pouvoir ou avec la contrainte, elle n’est pas « tout ce qui fait obéir les gens ».
L’autorité n’ordonne pas, elle conseille, elle guide, elle oriente. Il ne faut pas la confondre avec l’ordre : l’ordre peut régner sans autorité, la coercition lui suffit. L’éloge de la toute puissance de la volonté et de la liberté de l’individu, le règne moderne de la subjectivité s’accommodent mal des figures d’autorité. L’autorité est le pouvoir d’obtenir, sans recours à la contrainte, un certain comportement de la part de ceux qui lui sont soumis.
L’autorité c’est la capacité d’obtenir l’obéissance sans recourir à la force. L’exercice de l’autorité suppose un consentement de celui sur qui elle s’exerce, donc, de sa part, une reconnaissance de la personne dont émane l’autorité. L’autorité implique donc une relation librement consentie. Elle rejette la contrainte, la pression, l’intimidation ou la menace. Tout se passe comme s’il y avait, dans l’autorité, un caractère naturel, une forme d’évidence.
L’autorité, du latin auctoritas, se rattache par sa racine au même groupe qu’augere (augmenter). L’autorité est donc le moyen de « tirer vers le haut », de « tirer le meilleur de chacun ». Cela suppose la confiance. Une confiance qui ne peut naître que d’une certaine crédibilité.
En conclusion, celui qui exerce l’autorité doit non seulement avoir la compétence technique, mais détenir l’épaisseur morale, l’intériorité nécessaires à cet exercice.
L’autorité ne se confond pas avec le pouvoir. Une autorité qui n’est pas reconnue n’est pas une autorité. L’autorité n’est pas réductible à une technique, elle se construit chaque jour. L’autorité est indispensable à la vie en société et doit jouer son rôle de lien, notamment entre les générations.
2. Mais comment a évolué l’autorité ?
La crise de l’autorité est venue de 2 renversements :
L’homme de la tradition recevait le sens. Avec le siècle des Lumières, naît un individu libre de penser seul - ce qui est un bien - mais aussi libre de contester la coutume, les anciens, les croyances collectives. Ce qui faisait le lien social s’étiole, en même temps qu’est brisée l’idée d’une continuité. C’est à l’avenir, et non plus au passé, à la tradition qu’il faut se référer. Ce premier renversement n’a pas été sans trouble. Ce premier renversement est accentué avec la crise mai 1968. La société française s’engage dans la « seconde révolution française » : individualisme, égalité des sexes, remise en question des institutions : Etat, famille.., contestation des instances qui donnaient le sens, libéralisation des moeurs... La conscience moderne aspire, plus que jamais, à la liberté de penser, à l’autonomie de l’agir ; elle a le goût de la concertation et de la co-rresponsabilité. La croyance dans le progrès s’est installée, et a fait son œuvre pendant quelques temps. La crise de l’autorité est venue avec l’élévation du niveau de connaissance de la population. Les gens sont désireux de mieux connaître les règles qui vont s’imposer à eux. Cette plus grande maturité est un phénomène positif. Il y a parallèlement, et c’est plus inquiétant, l’érosion de la solidarité nationale, une crispation des différents groupes sociaux sur leurs petits avantages acquis.
On ne peut qu’être préoccupé par cet égoïsme, ce scepticisme, cette pensée désabusée, refusant les réformes et ne retrouvant aujourd’hui un semblant d’unité que pour descendre dans la rue.
Deuxième renversement avec la crise récente et à la panne du désir d’avenir. Les gens désormais ne croient plus aux bienfaits de la modernité. Avec la mondialisation, la crise profonde des systèmes d’éducation, le sida, la pollution, le sang contaminé, la vache folle, les catastrophes climatiques.... se dissipe l’illusion que les progrès scientifiques parviendraient pour l’essentiel à améliorer la condition humaine. Le scientisme du 19ème siècle s’effondre. La crise des idéologies (chute du mur de Berlin), la crise des raisons de vivre créent l’homme de la relativité et de l’incertitude.
Alors, sur quoi fonder l’autorité, quand ont disparu à la fois la nécessité de la continuité et la confiance dans l’avenir ?
La crise centrale de l’autorité aujourd’hui n’est pas tant l’absence de l’autorité elle-même que la multiplication des autorités rivales. La confusion guette et l’autorité revient sous une forme dévoyée : l’autoritarisme.