DÉTECTER LES TALENTS
La Star Academy, le monde sportif ou l’entreprise ont ceci en commun qu’ils ont réhabilité la notion de « talent ».
Il est crucial pour chacun de détecter les « pépites », ces individus extraordinaires qui révèlent et produisent ce que le commun des mortels ne peut pas.
Dans les entreprises, la question des talents est apparue au début des années 2000, au moment de la bulle Internet, alors que l’on commençait à prendre conscience du bouleversement démographique à venir.
Provisoirement disparue avec l’éclatement de la bulle, la question des talents resurgit.
Évidemment, certains de ces talents semblent aller de soi, comme les « nez » chez les parfumeurs, les créateurs dans la mode ou les designers dans l’automobile.
Mais leur présence semble être maintenant requise dans des entreprises beaucoup plus traditionnelles.
Elles cherchent les meilleurs moyens de les attirer et de les retenir, puisqu’elles y voient la clé de leurs succès futurs, surtout quand l’innovation et la différenciation deviennent les seuls palliatifs possibles d’une croissance insuffisante.
Le talent aurait trois caractéristiques principales.
Premièrement, ce sont des exceptions, ils ne représenteraient pas plus de 5 % des salariés. Ils ont ensuite des compétences spécifiques et uniques, celles qui ne rentrent pas dans les référentiels habituels.
Le talent renvoie enfin à un potentiel qui doit être développé pour pleinement porter ses fruits.
Cette émergence de la notion de talent traduit un mouvement de forte individualisation des rapports entre les salariés et l’entreprise.
Une étude américaine récente montre que les grandes entreprises qui y font le plus appel sont aussi celles où les rapports sociaux sont de moins en moins fondés sur la loyauté au profit du contrat entre le salarié et l’entreprise.
Mais le talent évoque aussi ces compétences spéciales, extraordinaires, comme si le succès dépendait de surhommes qu’il s’agirait de découvrir et d’attirer.
Curieusement, dans le monde de l’entreprise, on est souvent aussi sensible à l’idée de la « personne providentielle» que dans le sport ou le monde de la variété : on ne cesse de parler de leaders visionnaires ou charismatiques.
Cet intérêt pour les talents a au moins deux inconvénients.
Le premier, c’est qu’à force de magnifier le talent, on en oublie le travail.
Même si les modes d’éducation feignent de l’ignorer, c’est pourtant une réalité que, dans tous les arts, c’est toujours le travail qui a permis au talent de se révéler et de s’épanouir, selon le proverbe célèbre du « T » : 5 % de talent et 95 % de transpiration.
À trop mettre en valeur le talent, on en oublierait son complément indispensable, le travail, qui lui permet de fleurir.
Le second inconvénient est de laisser accroire que la réussite ne vient que de ces personnages exceptionnels.
On en oublierait que la performance des entreprises vient aussi de la capacité des collectifs, de la qualité des procédures, de la réputation de l’institution, etc.
Une étude récente montrait que les stars de la finance, les Paganini du hedge fund, réussissaient beaucoup moins bien en changeant d’entreprise : on avait juste oublié que leur succès s’expliquait aussi par la qualité des équipes, moins visibles, et la pertinence des organisations.
C’est d’entreprises talentueuses que nous avons cruellement besoin, plutôt que de talents.
L’expérience sportive nous a d’ailleurs montré qu’une collection de talents ne suffisait pas à faire gagner l’équipe.
Mais on a rapidement oublié un aspect important : tous en avaient été gratifiés, même à des degrés divers.
Quelle exigence pour nos équipes !