Des changements majeurs dans l’ordre des connaissances et des techniques poussent de manière irréversible vers une réorganisation du tissu social.
En empruntant l’image du mouvement des plaques continentales dans leur lente translation, l’humanité en son histoire passe peut être par des âges successifs : le chevauchement ou le télescopage de ces âges, que l’on peut nommer Tradition, Modernité et Relativité, explique, pour une grande part les phénomènes de fracture que nous connaissons en surface, c’est à dire les mutations et les ruptures qui affectent nos sociétés et nos cultures.
· L’HOMME DE LA TRADITION
L’homme de la tradition est marqué par la stabilité, la reproduction des formes sociales et de la culture, l’unité du savoir et sa transmission.
Ce sont les anciens qui définissent l’idéal d’existence à maintenir dans le temps présent. L’homme de la tradition ne se pose pas la question du sens : il reçoit le sens de la vie et du monde.
La transmission est orale et la mémoire individuelle. Il a la certitude de l’expérience qui détermine toute sa vie.
Le monde est essentiellement soumis à la dimension verticale.
La société trouve sa valeur dans la conformité à un modèle qui se répète.
On ne demande pas de prendre d’initiative ; il s’agit de se conformer à un modèle social. C’est l’acceptation devant l’enseignement de l’autorité.
· L’HOMME DE LA MODERNITE
Peu à peu et non sans pesanteurs ni résistances institutionnelles, l’homme moderne s’émancipe des cadres identitaires fixés par la tradition.
Rejetant les formulations traditionnelles, il édifie le sens de sa vie et de la société en l’axant sur l’une des valeurs reconnues : la raison qui cherche à comprendre et à transformer le monde, la liberté d’entreprendre et de s’informer, le goût du bonheur dans un accord avec la nature.
Il s’agit en tout de découvrir les lois qui expliquent ce qui est.
La transmission est écrite.
On observe le développement de modèles de pensée et de comportements dont la règle est l’augmentation de l’avoir, au moyen de la publicité et de toutes les incitations à consommer pour écouler les biens. On note également la disparition de toute une part de contraintes.
Soucieux d’équilibre personnel, l’homme moderne a la certitude de la connaissance.
· L’HOMME DE LA RELATIVITE
L’homme de la relativité est marqué par l’interdépendance planétaire. La transmission se fait par le multimédia et les réseaux.
On assiste à un effondrement des structures et des institutions.
Le monde est dominé par l’incertitude, l’aléatoire, le provisoire et le relatif.
Cette période se caractérise par l’émergence d’une revendication d’autonomie personnelle qui va s’affirmer de plus en plus fortement et par une exigence de sincérité et d’authenticité.
On se recentre sur soi.
L’homme entend se déterminer lui-même, au risque parfois de se perdre.
· LE SENS EN QUESTION
La question du sens ne se pose pas à l’homme de la tradition comme à l’homme de la relativité.
En effet, ce n’est pas la même chose de poser aujourd’hui une question du sens, alors que chacun est en quelque sorte en charge du sens pour sa propre existence, et de la poser à l’âge de la tradition où le sens est donné, transmis, va de soi et doit être assumé.
Si l’éthique a tellement d’importance aujourd’hui c’est, parce que les pouvoirs que les hommes ont sur eux-mêmes et leur environnement ne sont pas de même nature que ceux de l’homme de la tradition et sont sans proportion avec ceux de l’homme de la modernité.
L'homme de la relativité cherche, seul, le sens de son existence.