Une tristesse sans cause identifiable, une tristesse grise, comme la poussière recouvre tout ce qui est laissé à l’abandon.
Pourtant cette tristesse se cache, ou à tout le moins se déguise. Qui sait si notre propension à vouloir tout calculer, maîtriser, voire consommer n’est pas une façon de l’enfouir, en faisant semblant de croire que l’assouvissement de nos désirs va la calmer ou au moins l’endormir ?
Le danger de cette anesthésie, c’est le fatalisme, la capitulation.
« À quoi bon ? »
« Nous ne pourrons pas changer le monde. »
« Tout est devenu trop compliqué. »
« À quoi bon ? »
Qui d’entre nous n’a pas un matin éprouvé cette fatigue qui rend tout triste et terne ?
Une fatigue d’autant plus difficile à accepter que, malgré tout, pour nous ça va. Ceux et celles pour qui la vie semble ne pas être trop lourde et qui pourtant éprouvent cette fatigue, cette tristesse, peuvent se dire qu’en plus ils n’ont pas le droit de l’éprouver.
« J’ai un travail, une famille, et pourtant je suis triste, fatigué, mais pourquoi ? »
Cette anesthésie, les anciens avaient un nom pour la décrire : l’acédie.
Cette acédie est une sorte de tristesse qui s’ignore elle-même.
Elle est plus que la fatigue, ou plutôt elle est un mélange de fatigue et d’ennui.
On se prépare à faire quelque chose, par exemple une promenade, et au moment de s’y mettre, on en perd l’envie.
Ou bien on achète un livre, et au moment de le lire, on en perd le goût.
On va quelque part et l’on souhaite être ailleurs.
On se réjouit à la perspective de recevoir une visite et au moment où la personne est là, on souhaiterait qu’elle soit déjà partie.
Quand elle est partie, on regrette son départ.
Ce « À quoi bon ? » est le soupir de tant et tant d’hommes et de femmes qui n’en peuvent plus, qui sont trop fatigués, qui n’ont plus de réserve de courage, à peine pour chaque jour.
Vivre est devenu tellement compliqué !
Tristesse, infinie tristesse.
Nous aussi avons du mal à persévérer lorsque les jours sont lourds, peut-être simplement parce que nous croyons que nous sommes responsables de notre humeur, coupables d’être maussades… Or ce n’est pas complètement vrai.
Sachons entendre ce que dit Maurice Bellet en reprenant justement les conseils des anciens :
« Nul n’est maître de ce qu’il éprouve, pas plus que de la pluie et du beau temps. Mais c’est sa façon de s’y enfoncer ou de s’en croire coupable qui réellement le perd ».
Sachons maîtriser notre acédie : c'est important pour nos équipes.