L’ESTIME DE SOI
Pour aimer les autres, il faut s’aimer soi-même. Quel paradoxe ! !
L’estime de soi devrait être un bien très précieux, un bien implicite et discret, mais elle est d’une déplorable rareté.
Car elle n’a rien à voir avec la « bonne conscience » qui garde, comme son nom l’indique, quelque chose d’encore trop « conscient ». On y sent pointer l’autosatisfaction, légère ou appuyée, le plaisir d’être conforme à un Bien par rapport auquel on ne se pose pas de question.
L’expression « J’ai ma conscience pour moi » ne correspond pas non plus à l’estime de soi. Elle désigne un état de repli sur soi, avec la certitude vaguement arrogante de discerner solitairement la valeur et de s’y conformer.
L’estime de soi est également autre chose que le simple « sentiment sincère de sa propre valeur », car elle se passe parfaitement de la démarche consistant à s’évaluer, et plus encore à se justifier. Elle est ou n’est pas.
Ne parlons pas de l’amour-propre qui, lui, avec sa dose plus ou moins perceptible de mauvaise foi, s’oppose à l’estime de soi. Comme le disait Jean Jacques Rousseau, « L’amour propre, fertile en illusions, se déguise et se fait prendre pour de l’estime. »
Si l’estime de soi est malheureusement plus rare que la bonne conscience, que l’amour-propre ou que la fierté, c’est qu’elle ne consiste qu’en une façon d’être au monde, sans prétention ni exigence, pas même celle d’être reconnu.
L’estime de soi est un état, une façon de traverser la vie avec « la tranquille et solide certitude de sa propre dignité ».
Une dignité qui appartient, par principe, à chaque personne.
L’estime de soi n’a rien de réfléchi, rien d‘affirmatif.
Elle est une confiance immédiate, muette et calme en une faculté humaine de discernement, lorsque s’accordent justice et justesse.
L’estime de soi est faite de la certitude d’être « quelqu’un, un homme, comme disait Jean Paul Sartre, fait de tous les hommes, qui les vaut tous et qui vaut n’importe qui ».
A l’opposé de tous les narcissismes, de toutes les arrogances, prétentions ou autosatisfactions, l’estime de soi peut être la garantie d’une sorte de mesure humaine.