DIFFICULTÉS DE MANAGER
Notre société est confrontée à un vrai problème : nos organisations seront de moins en moins formelles et de plus en plus complexes, elles auront donc d’autant plus besoin de l’engagement de ceux qui veulent bien se colleter avec l’animation du travail collectif.
Et il semble bien que le paradoxe des temps modernes soit que plus il y a d’individualisme, plus on a besoin de management…
Or, nous constatons que les personnes ont souvent des difficultés à exercer de telles responsabilités.
Pour trois raisons essentielles liées entre elles.
La première est la difficulté liée à l’exercice de l’autorité : l’autorité doit se gagner en permanence, elle n’est jamais acquise et l’exercice des responsabilités peut révéler très vite une nature humaine éloignée des idéaux qu’elle revendique, autoritarisme et respect, par exemple.
La seconde est le manque de reconnaissance : nos organisations savent repérer et récompenser l’atteinte d’un objectif, la réalisation d’un volume de ventes ou le respect d’un délai, mais beaucoup moins l’exercice discret et efficace de l’animation et de la coordination des personnes.
La troisième est l’absence de plaisir : exercer des responsabilités est une source inépuisable d’occasions de se voir renvoyer une image qui ne colle pas avec l’idéal que l’on a de soi-même (du moins pour les plus lucides).
On peut évidemment se perdre à traquer les causes de ces difficultés :
1) Les structures des entreprises deviennent trop complexes et font porter sur les managers la charge du bon fonctionnement collectif.
Ce que des règles simples et connues de tous permettaient d’organiser, il s’agit maintenant de l’induire par la négociation, la participation, la discussion ou la coordination.
2) Les exigences des collaborateurs ne sauraient aussi être sous-estimées.
Quand la valeur la plus généralement appréciée dans le travail est l’autonomie, on comprend qu’il ne soit pas facile de diriger et de coordonner.
3) Il faudrait chercher également les causes auprès des managers eux-mêmes.
Beaucoup deviennent managers pour de bonnes raisons qui n’ont rien à voir avec la gestion des personnes : l’argent, la reconnaissance ou le statut. L’évolution normale d’une carrière est de devenir « chef » !
Beaucoup sont d’excellents techniciens mais n’ont pas eu de grande expérience de l’engagement collectif avant de prendre de telles responsabilités : ils ont donc tellement à apprendre alors qu’ils sont déjà dans le bain et ils n’en ont peut-être pas les capacités.
Le problème concerne de nombreux compartiments de notre société et pas seulement l’entreprise, il faudrait certainement quelques repères pour l’aborder.
Le premier consiste à ne jamais oublier que l’on a partout besoin de personnes qui s’engagent à faire fonctionner le collectif. C’est au sens propre du terme un service nécessaire : on ferait bien de ne pas trop le caricaturer.
Le deuxième repère concerne le pouvoir : il a souvent une connotation négative, on méprise même parfois ceux qui veulent l’exercer et dont on stigmatise les excès.
Le troisième repère consiste à ne jamais oublier que l’on exerce d’autant mieux ce service que l’on a une expérience de la vie collective.
Quand les plus jeunes zappent d’un groupe à un autre, d’un club de ceci à une association de cela, avec le dédain du consommateur qui sait pouvoir sortir du jeu dès qu’il en aura envie, reconnaissons que ce n’est pas le meilleur apprentissage possible de la vie collective.
On a partout besoin de personnes qui s’engagent à faire fonctionner le collectif.